LE TERREAU DE NOTRE EVOLUTIONSouvent source de nos maux, vécue comme une fatalité, la famille serait en fait l’opportunité pour nous de dénouer de nombreux nœuds et de prendre conscience de notre mission de vie. Et si nous changions notre regard pour être dans l’acceptation et l’ouverture à la transformation ?
On ne choisit pas sa famille ! Un adage très répandu, qui porte au banc des accusés nos parents, grands-parents et plus largement encore, notre arbre. Le divan des thérapeutes peut témoigner combien la famille et ses transmissions ont été bien malmenées. Il est en effet devenu courant que le clan, estampillé dysfonctionnel, se révèle le lieu de cristallisation de tous les drames, et d’épouvantables non-dits... Alors qu’il recèle également d’incroyables légendes et des joyaux de guérison, souvent enfouis. Récemment, de nouveaux courants ont émergé, qui redonnent la part belle au terreau familial... et avec elle, l’opportunité de sortir enfin de « l’enfant victime » et de reprendre notre responsabilité d’adulte. « Famille, je vous aime ! », un nouveau paradigme pour une renaissance attendue et pour changer le cours de son histoire, en restant bien enraciné.
COMPRENDRE LE TRANSGENERATIONNEL
« Notre vie ne commence pas à notre naissance ni à notre conception, nous sommes le fruit du croisement de l’histoire singulière de notre lignée maternelle et paternelle », nous rappelle Danièle Flaumenbaum, auteure des Passeuses d’histoires. Ainsi, nous naissons avec une histoire individuelle, familiale, sociale et collective. En réalité, nous formons un des maillons de la chaîne infinie de transmission de la vie. «
Un point de vue transgénérationnel qui met notre histoire en perspective, tout comme notre lien à notre famille », ajoute-t-elle. Nombreux pourtant sont ceux qui sont tentés de la jeter aux orties, comme ultime recours pour mettre fin aux traumatismes du passé. «
Ce serait méconnaître à quel point la famille est incontournable pour notre construction identitaire, dans l’enfance bien sûr, et également pour notre évolution d’adulte », renchérit Bernadette Blin, psychothérapeute transpersonnelle dont le postulat repose sur une filiation choisie, plutôt que subie. La famille est cet ADN qui nous constitue, comme le pointe le dernier film de l’actrice et réalisatrice Maïwenn, justement nommé ADN (sorti en octobre 2020) sur la quête des origines pour nous inscrire dans notre histoire, et aussi nous réinventer.
Le message à prendre en compte : notre héritage nous constitue, nous ne pouvons que le reconnaître, reprendre notre histoire à notre compte nous permet de nous dégager des traumatismes non résolus. Danièle Flaumenbaum est formelle : «
Chercher simplement à évincer ce lien ancestral d’un revers de la main, c’est également courir le risque de “flotter”, sans être relié à ses origines, avec d’importantes difficultés à nous réaliser, et au final, en rester prisonnier à notre insu. » En d’autres termes, notre famille serait notre ancrage, nos racines. Une vision que partage Louise Dollin (1), psychothérapeute en transgénérationnel et tarologue : «
Il est nécessaire pour s’incarner de prendre racine. » Dans son approche transgénérationnelle, la tarologue fait référence à ce qu’elle appelle «
la descente en incarnation », et souligne l’importance de notre arbre généalogique. «
Il est vital de remonter le fil de notre histoire, insiste-t-elle. Il s’agit de se rafraîchir la mémoire, celle de la raison de notre venue sur terre. » D’après elle, la famille serait notre révélateur, le meilleur moyen de remplir notre mission de vie... Et c’est bien là que le bât blesse ; retrouver la mémoire « de nos racines » peut être douloureux, car certaines constituent l’héritage des inaccomplis de nos ancêtres, en résonance avec les nôtres. Des racines qui nous attachent à celles qui nous libèrent : tout va dépendre du point de vue où l’on se place ! (...)
LA VISION TRANSPERSONNELLE ET LA FAMILLE
«
Dans la mesure où nous sommes avant tout des êtres spirituels faisant une expérience humaine, comme l’a si bien exprimé Teilhard de Chardin (corps, cœur, mental), nous pouvons avancer, selon un principe transpersonnel, que nous avons choisi notre famille », pose Bernadette Blin. Choisir d’intégrer la dimension spirituelle au cœur même de la thérapie, c’est renouer avec la dimension fondamentale de notre essence, le plan de l’âme. Il faut absolument sortir d’une vision centrée sur soi, pour se relier au collectif, et au plus grand que soi.
«
Chacun de nous a une responsabilité », poursuit la thérapeute. Passer de la famille subie à choisie est un merveilleux début de réponse à la question : comment participer à la transformation, et guérir des répétitions ? En acceptant que nous choisissions notre famille sur le plan de l’âme, nous contribuons à réparer ce tissu du monde déchiré de la grande histoire collective dont nous faisons partie.
DES MÉMOIRES TRAUMATIQUES AUX MÉMOIRES SAINES
«
Nous entendons souvent : je suis mal né ! », observe Louise Dollin, en résumé de longues listes de dysfonctionnements attachés à la famille, qui vont du simple manque d’amour aux abus sexuels, pouvant entraîner échecs amoureux, faillites, ou plus largement d’importantes difficultés à prendre sa place. La proposition qui consiste à considérer sa famille comme une opportunité est difficile, voire inacceptable. «
Une vraie couleuvre pour nombre d’entre nous », admet la thérapeute. Il n’est pas si facile de changer de regard sur son héritage et les traumatismes du passé, et d’y voir qu’il contient exactement ce qu’il faut pour évoluer... sur le plan de la conscience. La raison en est simple : «
La mise à jour de la mémoire laisse rarement apparaître d’emblée un joyau... il y a un travail en profondeur à effectuer ! », décode Louise Dollin. Ainsi, nos parents, nos tantes, nos cousins seraient un fabuleux miroir qui nous ouvrirait ou réveillerait des pans mémoriels à « travailler », à nettoyer et à intégrer pour enfin se réinventer...
Un processus rendu possible par de récentes découvertes en neurosciences, qui mettent en évidence combien le processus mémoriel est toujours en mouvement ! «
C’est par ailleurs une des clés de résilience élaborées par le neuropsychiatre français Boris Cyrulnik, autour du concept des mémoires saines et heureuses », ajoute la tarologue. Alors que les mémoires traumatiques sont figées, comme enkystées, entraînant nombre de troubles dysfonctionnels, notre tribu générationnelle donnerait des pistes pour une remise en libre circulation de l’information... afin de faire le ménage, en quelque sorte ! Notre arbre constituerait alors notre trousseau, contenant les clés de nos tiroirs mémoriels en lien avec nos ancêtres, que ce soit nos manques ou nos acquis. «
Bonne nouvelle !,
nous glisse Louise Dollin. Nous n’avons pas besoin de tous les ouvrir, seuls quelques-uns vont faire l’objet de notre attention. » D’ailleurs, on peut observer que dans un foyer, les membres d’une même fratrie ne « travaillent » pas les mêmes thèmes.
LA TRAQUE DES NŒUDS DE NOTRE HÉRITAGE A DÉFAIRE
«
Une souffrance d’un ancêtre que l’on porte n’est pas juste une malédiction familiale... c’est aussi la vôtre ! », soutient Louise Dollin. Même s’il est bien légitime de le percevoir comme tel, la repérer est une première étape sur le chemin de la libération ! Comment ça marche ? De génération en génération, la transmission va de pair avec la notion de répétition. «
Nous répétons ou dupliquons des caractéristiques individuelles familiales et collectives de nos parents... inconsciemment bien sûr », développe Danièle Flaumenbaum. Cela peut aller du choix de nos amoureux à une passion pour la danse, les voitures, en passant par l’installation dans une région, ou une phobie... Cet héritage inconscient porte également des fantômes familiaux. «
C’est le cas lorsque des drames sont gardés secrets, comme l’inceste, une mort brutale, des adultères, une maladie honteuse... Tels des fantômes, ils “hantent” la lignée, semblant réclamer la levée du secret, dans le but de mettre fin aux cycles des répétitions », ajoute Danièle Flaumenbaum. Ils se manifestent de diverses façons, sous la forme de symptômes pathologiques, ou psychiques, et surviennent à des moments clés, comme des dates anniversaires dans la lignée, ou des étapes charnières de notre vie. Comment les reconnaître ? «
Quand les forces générationnelles du passé nous rattrapent, nous avons la sensation intime de ne plus être nous-mêmes, d’être “agi” à notre insu par quelque chose qui nous dépasse », a pu observer la psychothérapeute, également gynécologue, coutumière de nombre de dysfonctionnements sexuels dans la sphère familiale. Si aujourd’hui cette notion est plus ou moins acquise, reste que les implications ne sont pas toujours bien comprises. «
Il est illusoire de vouloir lui échapper, même si le rejet est un réflexe bien naturel. Si nous essayons de fuir notre héritage, nous n’arrivons qu’à le renforcer », souligne Bernadette Blin. C’est-à-dire à lui donner plus d’emprise dans nos vies. La psychothérapeute transpersonnelle ajoute : «
Le plus important est de comprendre qu’il est réellement porteur d’une opportunité de transformation, qui va nous demander tout un travail intérieur... pour passer de la famille subie à la famille choisie, et de victime à responsable. » Plus facile à dire qu’à faire, d’autant plus quand l’héritage est douloureux, tragique ou violent...
(1) Conférence de Louise Dollin, sommet « Amour conscient »
Sommet de la Conscience - 22 au 31 mars 2021
© Article de Catherine Maillard,
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Mots clés : transgénérationnel, famille, histoire, adn
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