ARTICLES / SCIENCES ET MÉDECINES

JE NE SUIS PAS (QUE) FREUDIEN

article de Mathias GAIFFE du 06/01/24

3 minutes

Un jour, un psychiatre dont je croisai la route, me dit du haut de ses connaissances, avec un ton évidemment méprisant, que je suis freudien. Le besoin de coller des étiquettes est partout.

Certes, peut-être que certains éléments de mon travail évoque Freud non sans raison. Mais Freud n'est ni un tout ni un absolu. En psychanalyse comme ailleurs, les travaux d'un chercheur, voire d'un pionnier, sont faits pour s'enrichir au fil de l'eau. Et non au fil de l'épée. Enrichir, compléter, approfondir quitte à ne plus trouver que quelques bases des travaux initiaux.

La perfection n'est pas de ce monde. La complexité de l'esprit humain, ainsi que celle de la nature humaine, fait que de nombreux chercheurs, de nombreux aventuriers de l'esprit avancent chacun sur une part de cet être étonnant que nous sommes. C'est le principe de l'orange posée sur la table. Au lieu des cent individus que j'évoque habituellement, je précise cette fois cent psychanalystes. Posez l'esprit humain sur une table et placez cent psychanalystes autour de cette table, vous aurez cent visons, cent perceptions différentes de cet esprit alors qu'il n'y en a qu'un.

Chacun aura raison de son point de vue, et le point de vue le plus juste est celui qui consiste à voir cent aventuriers de l'esprit et qui voit cent portes ouvertes sur notre esprit pour le comprendre et nous comprendre.

Bien souvent les enseignements académiques et universitaires sont des prisons. J'oserais dire pour notre sujet des prisons mentales. Ils sont souvent en droite ligne d'un chercheur à l'exclusion d'autres ou des autres. Ces enseignements, bien qu'intéressants sont donc limités par rapport à la complexité de l'esprit humain.

Cela me rappelle le temps du lycée où certains voulaient absolument savoir mon orientation politique. Je leur ai toujours répondu de trouver par eux-mêmes. Ils ont tout proposer, sauf une chose. Jamais ils n'ont vu ou compris que mes positions en tous domaines ne supportent pas d'être étiquetées.

Les étiquettes sont l'un des meilleurs moyens de diviser les humains. Les étiquettes sont au-delà de ce qui est. Dire que j'ai les yeux verts si je les ai verts n'est pas mettre une étiquette. Dire que je suis ceci ou cela parce que je donne une pièce à un humain est une aberration. Suis je de droite ou de gauche si j'aide mon prochain ? Suis je de droite ou de gauche si j'apporte un peu de réconfort à une personne en l'écoutant ? Suis-je freudien ou lacanien si j'aide mon prochain selon ses besoins et à sa demande ?

Toutes ces étiquettes ne font qu'activer orgueil, jalousie, prétention à la vérité, colère. Ce qui concerne l'esprit humain est si riche, si vaste, si fluctuant qu'il est plutôt nécessaire de passer de l'un à l'autre chaque vision apportant sa part de « vérité », sa part de « ce qui est ».

Je ne suis pas freudien, je suis humain avec toute la richesse et la complexité que cela amène. La puissance d'être et d'agir de chacun (mince, ça c'est du Spinoza, ça fait un de plus dans l'article) repose sur la guérison des blessures de l'enfance (un petit salut à Freud) en acceptant que chacun ait son vocabulaire car le vocabulaire de chacun lui est propre (coucou Lacan, pour une psychologue j'étais lacanien du fait de cette position), chaque mot portant les émotions et les mémoires de celui qui les dit ou les écrit.

Léonard de Vinci était-il Architecte ? Scientifique ? Peintre ? Dessinateur ? Il était comme nous tous avec un potentiel qui est le sien. Chacun peut s'adonner au dessin, à la peinture, etc... selon ses envies et aspirations. L'humanisme consistant plus à développer toutes nos capacités, tout notre potentiel comme un chêne déploie les branches de sa couronne. Et de les développer avec notre rythme, nos énergies, chacun ayant un rythme et des énergies propres.

Et mon métier consiste à vous permettre de déployer les vôtres en vous aidant à retirer les programmes qui sont en vous et que vous laissez vous bloquer. Lesquels programmes datent en très grande partie de la petite enfance à partir de ce qui se passe dans le ventre maternel.