"LES MORTS SONT DES INVISIBLES, MAIS NON DES ABSENTS"
St Augustin (354 - 430)
En tant que vivants, nous avons besoin de vivre
en paix avec les morts de notre vie. L'un de mes enseignants nous disait d'ailleurs de bien nous occuper de nos morts et alors nos morts s'occuperaient bien de nous.
Plus largement, nous devons être en paix avec tout ce qui se termine dans notre vie, avec nos pertes, ce qui nous quitte et ce/ceux/celles que nous quittons. Cela afin de poursuivre notre chemin de croissance personnelle, ne pas rester dans un entre-deux.
Nous sommes "équipés" psychiquement pour
tisser de nouveaux liens avec les défunts, avec ce qui est parti sans espoir de retour dans le réel, afin de réinvestir pleinement notre vie. Tisser la continuité de la trame avec le monde invisible qui nous habite.
C'est le "processus de deuil" qui est à l'oeuvre, en nous, quoi que nous fassions ou pas par ailleurs
Nous ne "faisons pas notre deuil", cela se fait. Nous ne pouvons ni le ralentir, ni l'accélérer, juste le laisser nous traverser. Ce processus se met en route, naturellement, à son rythme se comptant en jours, en, mois, en années. Cela dépend de tant de facteurs.
Et parfois le processus est entravé.
Pour nous adapter aux exigences du quotidien, de nos proches, à nos propres exigences, à nos croyances sur le deuil, nous ravalons nos sentiments et émotions : chagrin, colère, sentiment d’injustice ou de justice, impuissance ou culpabilité...
Nous comprimons nos émotions. surtout lorsque cette perte ou ce deuil n’est pas perçu.e comme légitime à nos yeux ou à ceux de l'entourage. (ex : deuil d'un animal, perte d'un emploi, décès d’un.e voisin.e, d'un. ami.e, d'un client, d’une personne que nous avions perdue de vue, d’un.e ex conjoint.e, d'un parent qui nous a fait du mal, perte d'une capacité, de la santé, etc.)
Il peut arriver qu’une fin soit si brutale ou inattendue, que nous pouvons rester comme en suspens.
Parfois la fin fut longue, éprouvante, espérée ou redoutée et peut laisser avec une sorte de d’émoussement coupable de la peine, laquelle peut nous paraitre alors insuffisante.
Il arrive également que la douleur soit beaucoup trop intense longtemps après, au bout de plusieurs années c’est encore ‘’comme si ça c’était passé hier’’. On peut même sentir que si la douleur n’était plus là, peut-être que la dernière parcelle d’attachement partirait avec, alors même que cette souffrance est insupportable. Il existe des décès ou des pertes à soigner comme un psychotraumatisme.
Il peut également se produire la sensation qu’il/elle est toujours là et empêche en quelque sorte de reprendre le cours de la vie. On le/la voit, l'entend, sent (trop) sa présence.
Ou on ne le/la sent plus du tout, comme si le lien avait été emmené avec le/la défunt.e, ou avec ce qui est parti irrémédiablement.
Parfois, on peut se sentir comme si le décès avait déjà eu lieu alors que ça n'est pas encore le cas.
Cela peut être autrement encore car le vécu d'un processus de deuil est singulier mais le point commun amenant à consulter est bien souvent qu'il y a une sorte de blocage persistant dans le cheminement du deuil.
Une aide peut être nécessaire pour reprendre le chemin.
Les rites du deuil ont en grande partie disparus dans notre société occidentale, les émotions qui accompagnent le deuil sont plutôt tabous dans notre culture, cela nous amène parfois à ‘’tenir’’, à ‘’paraître’’, à faire ‘’comme si car "ça" passera bien à un moment ou à un autre.
Généralement, le temps, nos ressources, l'appui de notre communauté, la présence chaleureuse de l'entourage tout cela produit les effets bénéfiques et l'on se relève. Parfois pas, la vie s'est comme figée durablement, des troubles invalidants au quotidien subsistent (évitement, envahissement, figement, tristesse écrasante, colère, etc.).
C'est là qu'il est utile d'aider le processus à se réactiver sainement.
Dans ce type de travail thérapeutique, il s'agit de lever les blocages empêchant le processus naturel du deuil de se dérouler. C'est comme enlever des petites branches pour permettre au cours d'eau de poursuivre son chemin. Permettre ainsi au torrent de rejoindre le fleuve qui rejoindra l'océan.
Un pas après l'autre pour tisser un nouveau lien apaisé avec le défunt, avec une histoire.