Dans une étude publiée la semaine dernière dans la revue Nature Neuroscience, la chercheuse et son équipe ont montré, chez des souris mâles, qu'un stress intense dans les premiers jours de la vie modifie la composition cellulaires de leurs spermatozoïdes de façon durable. Ces altérations se retrouvent même chez les générations suivantes.
Résultat : leurs descendants, qui n'ont subi aucun stress important, développent néanmoins des troubles du comportement comparables à ceux de leurs géniteurs.
Les recherchesLe protocole expérimental des chercheurs est le suivant : des jeunes souriceaux ont été séparés de leurs mères, de manière précoce. En grandissant, ils
ont développé des troubles assez comparables à la dépression : troubles de la mémoire, comportement d'évitement social, apathie, mais aussi parfois, un goût pour la prise de risque inconsidérée. Les animaux s'exposent à des dangers plus grands que leurs congénères sans montrer de peur, ce qui évoque les
troubles de la personnalité.En observant les deux générations suivantes,
enfants et petits-enfants issus de ces mâles, les chercheurs ont constaté qu'ils souffraient des
mêmes troubles du comportement, et
parfois même de manière
plus prononcée encore, alors que ces souris n'avaient, elles, jamais subi de séparation précoce d'avec leur mère.
La transmissionDans le cerveau, dans le sang et dans les spermatozoïdes, les chercheurs ont découvert des
modifications bien précises sur des molécules,
les micro-ARN, qui interagissent avec l'ADN.Cette transmission des expériences traumatisantes et ses conséquences sur le comportement n'est
pas directement génétique (il n'y a pas de gènes spécifiques pour ces troubles du comportement), et le support de l'hérédité serait, ici, une famille de molécules qui influencent la façon dont les gènes sont utilisés par l'organisme.
La
deuxième génération semble touchée par des troubles du comportement plus sévères, car, selon Isabelle Mansuy, les altérations des micro-ARN sont
présentes dès la conception, à la différence des premières souris traumatisées, chez qui elles n'apparaissent qu'après la séparation d'avec leur mère.
Pour la deuxième génération, l'action des altérations se fait déjà sentir au cours du développement fœtal et les troubles du comportement seraient donc plus marqués encore chez les descendants d'animaux traumatisés.
Chez l'hommeCela fait presque dix ans que les neurobiologistes, les psychiatres et même les généticiens tournent autour de cette idée d'une trace biologique laissée par les traumatismes chez l'humain. L'une des études marquantes de ces dernières années a été menée au Canada, à l'université Mc Gill. Des analyses ont été faites sur des personnes victimes d'abus sexuels et des particularités "biologiques" ont été trouvées.
Certains gènes liés au stress ne fonctionnaient pas tout à fait normalement.Mais, si ce marqueur a été identifié, la transmission biologique de cette vulnérabilité au stress, elle, n'a jamais été observée jusqu'à présent.
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