Le sommeil ne peut se résumer à quelques courbes électro-encéphalographiques.
Il doit échapper à la médicalisation pour garder sa part symbolique.
Comme l'accouchement, il vient seul et le secours de la médecine n'est qu'un de ses aspects.
Réunissant tous les hommes de toutes conditions, les rendant semblables et vulnérables il a une dimension fraternelle.
Le sommeil et la vigilance comme le noir et le blanc s'opposent mais sont unis dans une sinusoïde qui n'a pas de fin.
Nombreuses sont les courbes qui s'y superposent, rythmes saisonniers, circadiens, ultradiens, instants de quasi sommeil au sein de grandes plages de vigilance tout se mélange.
Le sommeil c'est aussi la position allongée et l'accès à un univers mental très différent des autres positions verticales ou assises.
Tout un univers de communication avec soi ou l'autre s'en trouve enrichi.
Que de conversations d'enfants dans le noir, la mère étant partie, que de rêveries partagées ou secrètes avant la bascule vers un imaginaire toujours aussi insaisissable.
L'ombre, le sombre, le crépuscule, l'obscurité, le gris, le noir, l'entrée en nuit nous propose dans ses jeux de lumière un chemin vers un abandon de tout voir, du tout pouvoir.
Yeux ouverts ou fermés dans le noir, traits de lumière appelant la ville aux persiennes mal jointes, fenêtres ouvertes à la fraicheur du soir d'été, un souffle du vent dans les voilages et sur le corps sorti des draps.
Siestes, temps volé, pénombre, abandon, parenthèse, faire la planche sur le temps qui coule.
Si longtemps les humains se partageaient leurs couches sans distinction sociale, l'avènement du lit peu a peu conjugal et même individuel a narcissisé le sommeil devenu objet de préoccupation et de fantasmes normatifs.
Le souffle des autres, de l'autre, de la vie dehors n'est plus murmure de nuit mais obstacle, contingence, agacement.
Tout doit se taire à la dictature du silence dit nécessaire.
Seul l'enfant aime s'endormir dans une maison qui veille et bruisse et la lumière douce d'une veilleuse.
La chambre théâtre de nos nuits est souvent un bien pauvre décor pour cette merveille d'un corps qui connait l'apaisement.
Tables de nuit aux livres appelant, commandes en merisier brillant à la bougie, armoires à glace au pied du lit et tableaux de nus allongés au dossier des chambres des parents d'avant, lourds rideaux tombés aux embrases défaites accompagnant les chutes d'un apprêts du soir, lit fait et laissant à la diagonale apparaitre les habits de la nuit préparés le matin, tout un monde disparu au profit des couettes de la télé, des ordinateurs et des revus !
Le sommeil est il personne attendue dans ces lieux de passage, est il chéri et ses rituels, n'existent ils plus seulement que pour l'enfant ?
Revisiter le sommeil, le placer dans l'histoire du jour, du mois, des saisons et de la vie, le réapprivoiser s'il nous devient souffrant, certes en lui parlant doucement, le réinventer dans ses lieux, ses rites... le réenchanter.
Pour une nuit à éveiller à son mystère.
Luc Audouin
© Marianne NYS
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/nys
Mots clés : sommeil,sophrologie
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