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Florian CHAVE
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ARTICLES / ADDICTIONS ET DÉPENDANCES

ALCOOL

article de Florian CHAVE du 25/06/22 10 minutes 50 3
Je vous partage ici, un extrait de mon mémoire que j'ai réalisé en lien avec la honte, il parle de mon parcours avec l'alcool.


"Comme ci cela venait me conforter dans ma souffrance de vivre et ma peur de mourir. Paradoxalement je sentais au fond de moi que j’allais mourir jeune et que je pouvais faire n’importe quoi avec ma santé, je cultive un état dépressif tout en essayant de m’amuser.

Je n’arrive pas vraiment à trouver l’équilibre, entre me détruire et profiter de la vie. Alors une solution s’offre à moi, « l’alcool » ; qui me permet de fuir et de me détruire tout en ayant l’illusion de profiter de la vie. J’avais déjà un peu commencé à boire pour des occasions festives, en voyant les effets euphorisants et libérateurs que cela pouvait avoir. Cette possibilité de pouvoir oublier mes souffrances l’espace d’un instant me plaisait. Et de pouvoir partagé cela en groupe, se sentir aimé, accueilli et encouragé à s’enivrer est au début très appréciable. Je peux fuir ce que je suis, tout en devenant ce que les autres veulent que je sois, un clown divertissant qui n’a pas honte de lui. Paradoxalement je vais repousser les limites de le honte pour le spectacle dans des comportements pathétiques, avec fatuité, qui génère en moi de plus en plus de honte.
C’est amusant de voir à quel point je vais pouvoir aller toucher la honte sans le savoir, comme pour me glorifier de vivre ces souffrances et d’avoir plein d’expériences dévalorisantes à raconter. Comme si j’allais chercher certaines causes responsables de la honte que je porte, et quand même temps j’attire l’attention de l’autre tout en le divertissant ; je suis un clown qui porte en son cœur un triste et lourd fardeau secret.

Je m’enferme dans cette prise de boisson, que je considère à cette époque comme salvatrice, sans me rende compte que je deviens accro à cette drogue. Augmentant les doses et les prises car mon corps et mon esprit s’habituent à l’alcool, et je me sens puissant et en vie, je pense avoir trouvé la solution à la honte qui m’habite. Mais en fait cet un effet récursif, la honte entraine l’alcool qui entraine la honte, je bois pour noyer ma honte et, plus je bois, plus j’ai honte. Je me retrouve coincé dans un cycle sans fin qui se boucle sur lui-même remplit de paradoxes et de contradictions. Un « cycle d’alcoolisme d’impasse » comme le nomme M.Legrand.

«Sous l’habit du poivrot, se cache un vrai seigneur, inconnu de tous, mais dont lui seul sait
L’inestimable valeur: la sienne, jamais mise à l’épreuve de la réalité, puisque toujours dissimulée derrière l’ivresse» Les Alcooléens, Jean Maisondieu


Je m’enfonce alors dans ce long processus « d’alcoolisation », qui me permet de survivre tant bien que mal à ce mal de vivre qui m’habite. Il me donne la sensation de me détacher des problèmes, mais je ne fait qu’anesthésier les souffrances enfouis à l’intérieur. A certains moment les tics nerveux se calment grâce à la boisson, et puis à d’autres cela vient les amplifier, je tente de trouver un équilibre entre les deux. En vain, je ne maitrise plus rien, l’un amène l’autre, un nouveau cycle vicieux, et je commence à comprendre que mon leitmotive de boire à été les tics. D’ailleurs je crois aujourd’hui qu’ils ont étaient à l’origine de nombreuses choses que j’ai impulsé, comme commencer un suivi psychologique, me renseigner sur les fonctionnements humains, changer mon alimentation, m’initier au Reiki, redécouvrir le chamanisme, pratiquer du tantra, m’inscrire à l’école de l’intuition…. Des activités qui me paraissent en mon sens plus bénéfiques, pour lesquels je peux remercier les tics.

Je reviens sur cette période d’alcoolisme qui a durer environ 17 ans, je ne sais pas exactement quand cela a commencé, car qu’est ce qui détermine véritablement les bases ? Il y a bien des indicateurs biologiques, mais étant dans le déni très longtemps, je peux me considérer l’avoir était peu de temps, le reste était pour s’amuser !! Je sais bien que cela est en parti faux, alors je me base à mes premières fois où j’ai perdu le contrôle de moi avec, c'est-à-dire vers 16 ans. Par honnêteté envers moi-même, je crois que je suis devenu accro à la boisson dès le premier verre.
Ma grande sensibilité faisait que j’ai été très vite perturbé mentalement et physiquement par l’alcool, mon corps s’est mis très rapidement à le rejeter, transpiration excessive, problème de foie, vomissements régulier, douleurs et maladies virales répétitives…Paradoxalement j’ai du comme « me forcer » de continuer à boire, mon mental voyait en cela une superbe fuite légale et admis de tous. J’ai du apprendre à boire sans limites, à aller au delà de ce que mon corps était capable de recevoir pour calmer mes peines. Aucun traitements ni échanges médicales, n’avaient pu jusqu’à présent atténuer ma douleur de vivre et mon incompréhension du monde qui m’entoure, en cela l’alcool était un nouveau souffle vicieux. Même si cela ne me faisait pas comprendre ce qui m’entourait, je pouvais m’y résoudre plus facilement à le supporter ou le subir. Je voyais là un moyen de pouvoir continuer de rester sur Terre, un substitut à mes souffrances d’incarnation, surement une échappatoire mais peut être aussi une tentative de rencontre avec quelque chose de plus spirituelle. Un spiritueux est une boisson qui vient, à l’origine, révéler l’esprit d’une plante, il y a peut être là une recherche inconsciente de me reconnecter à quelque chose de plus essentiel. Certains chamans d’Asie l’utilisent lors de soins pour se connecter aux esprits.
Il n’empêche que la vie se floute grandissant, dans les vapeurs de l’alcool qui me donne l’illusion que tout va bien, mon quotidien est rythmé par les prises de doses, tout se met à tourner autour de ça. Je bois beaucoup seul, me cachant souvent, et je ne peux plus m’imaginer aller quelque part sans penser à comment me procurer ma dose d’alcool, mon corps tout entier réclame son carburant. Je dois m’organiser pour en avoir toujours à porter de main, même si j’arrive par moment à ne pas boire tous les jours, l’alcool doit être là dans n’importe quelles situations (amis, familles, vacances, domicile, travail…). Je ne vois plus ma vie sans cela, ça me permet de tenir, d’avoir une porte de sortie face à l’autre, je n’ose presque plus me montrer tel que je suis sans alcool. Cela m’apporte confiance, courage, désinhibition, force, motivation, et me fait croire d’avoir de l’estime pour moi. Me voilà pris dans un monde embrumé, éloigné et artificiel, dont je n’ose plus sortir, comme une sorte de refuge pour surmonter le monde extérieur. L’alcoolisme vient frapper la personne hypersensible, venant la couper de ce « trop plein » d’émotions qui la submerge sans arrêt au contact des autres. Les ressentis anesthésiés, le monde est alors plus supportable. « Moi qui ne pouvais plus me sentir, m’aspergeant d’alcool ou de parfum artificiel. Je pouvais à peine sentir mon corps ».

« Ivre à ne pas accepter de vivre »

Ils se passent de longues années avec tout un tas d’expériences humiliantes et pathétiques que je ne souhaite à personne, c’est peut être pour ça que je me les inflige ! Je me résigne à me condamner à subir les choses qui m’arrivent, me sentant perdu et de plus en plus anéanti par l’alcool. Je suis dévasté au fond de moi, littéralement noyé par tout ce flot d’émotions qui me submerge ; enchainant les situations dévastatrices qui me mettent face à toujours plus de honte de moi-même. Je me mets en danger, frôle la mort, abime mon corps, me blesse et frappe les autres, fait des dégâts matériels, perd beaucoup d’argent, je suis interdit de certains endroits, je perds la mémoire, des amis s’éloignent, et d’autres « poivrots », comme moi, arrivent…
Les tentatives de garder un pied à terre paraissent vaines, du fait que je me laisse embarquer toujours plus loin sur cette océan déchainé de souffrances liquéfiées. Je sombre loin du rivage de mon être et m’enfonce dans les abysses obscurs de mes tourments.
Je crois que mon seul radeau de fortune à ce moment là de ma vie, sont mes enfants que la vie m’a offert. Même si la peur et la honte me tiraillaient à me sentir digne d’en avoir, surement pour ne pas vouloir reproduire les schémas familiaux passés ou par crainte de l’engagement envers la femme ; la vie à tout fait pour que cela arrive, et je remercie aujourd’hui. Ils sont pour moi à ce moment donné, le seul acte que j’ai commis et qui me rende fier. Même si ces trois enfants, portent peut être, un peu en eux le fait que je ne les ai pas désiré consciemment, ils sont à l’image de tout cet amour qui vibre en moi. Surement la beauté mise en matière que je ne reconnaissais pas à l’intérieur de mon être, ils sont ce signe que l’amour peut être transmis, et que toute la puissance lumineuse de la vie se doit d’être perpétuée. Malgré cette honte présente que je ressens, en nommant le fait que je ne les ai pas voulus pleinement conscient, je peux sentir le chemin qui se dessine dans l’acceptation de cela. Je ne peux revenir en arrière, mais mon cœur à néanmoins dis oui à leurs venus, et en ce sens je fais du mieux que je peux pour apaiser tout ça. En prenant soin d’eux, je prends soin de moi et de mon passé, l’amour et la reconnaissance que je leur porte à ce jour est incommensurable. Les actes et les blessures sont là, mais rien n’est figé, à moi d’œuvrer au maximum pour clarifier et libérer ces souffrances.
Mais ce n’est pas pour autrui qu’on se libère d’une addiction, mais pour soi même. Mes premières tentatives pour arrêter de boire l’ont étaient pour mes compagnes ou mes enfants, ce qui évidement n’a pas fonctionné. Si je le fait pour quelqu’un d’autre, je ne m’écoute pas car le désir d’arrêter ne vient alors pas de moi, mais de l’autre. Ce n’est pas un choix personnel mais plutôt une obligation, sous entendu d’un jeu de chantage, « Si tu n’arrête pas, je te quitte ! ».
Ce qui m’a permis néanmoins de reconnaitre la maladie, et de commencer à me faire aider, à me rendre régulièrement dans des groupes de paroles, comme les alcooliques anonymes. Ce qui m’a rendu particulièrement vulnérable et terriblement honteux d’avouer cette addiction à l’alcool, tout un tas d’images négatives, de jugements dégradants et stigmatisant de la société, me sont venus à l’esprit. Il m’a fallu à cet instant là beaucoup d’humilité et de courage pour franchir le pas, et même si cela m’a fait avancer sur le sujet, j’ai replongé rapidement et je me suis fait une nouvelle fois quitté par ma compagne de l’époque. Loin de mes enfants, isolé et meurtri par cet abandon, j’étais dévasté, en éclat, seul au monde, je ne savais plus où aller. J’ai pensé très fort à la mort physique, mais l’image de mon père suicidé était gravé en moi, je ne suis pas si courageux ou fou ! Alors je me suis laissé aller à mourir autrement, à aller jusqu’au fond du fond, pour voir, il ne pouvait rien m’arriver de pire, abandonné à ce qui était là, j’ai glissé…

« Ce qui apparait dans la honte c’est l’impossibilité de se fuir pour se cacher à soi-même « E. Levinas, 1982


Je ne sais alors plus si je dois me sortir de l’alcool pour me dégager de la honte ou l’inverse. La honte tout comme l’alcool, est contradictoire, je ne sais plus si je dois me sortir de la honte pour revenir à ce que je suis véritablement ou si je dois être ce que je suis pour me sortir de la honte.
Avec le recul je vois que j’ai pu me sortir de l’alcool, à partir du moment où je me suis retrouvé seul. J’ai accepté qu’il faisait partie de ma vie et que c’était ainsi, s’il fallait j’allais mourir avec ça, j’avais accepté l’idée car à ce moment là, il ne pouvait en être autrement, j’ai donc arrêté de me battre contre. Avec ce choix assumé que j’ai fait également en parallèle, de commencer à cheminer sincèrement vers la rencontre de ma dignité, de ma lumière. Je ne pouvais pas me débarrasser de l’alcool même si à partir d’un moment je le souhaitais, j’avais reconnu la maladie mais je ne l’avais pas écouté. C’est à partir du moment où j’ai décidé d’entamer une profonde remise en question, et de voir là où cette maladie voulait m’emmener, que j’ai pu prendre un nouveau souffle. J’ai compris au fond de moi que cela pouvait fonctionner, seulement si je m’autorisais à rencontrer tout ce que je souhaitais taire ou fuir. J’ai commencé à en parler, à beaucoup parler sur différents sujets, je crois que les mots ont eu un effet thérapeutique important dans ce nouveau départ.
Ce fut néanmoins une véritable épreuve d’accepter de faire face à tout cela, avec son lot de moment inconfortable et de dépression, toute ma vision était en train de s’ouvrir et de se clarifier, je prenais conscience de tout un tas de choses, j’étais extrêmement vulnérable et sensible. Beaucoup de colère, de rage, de violence ressurgirent, j’étais happé dans des tourbillons de noirceur, des peurs du vivant, de grandes sensations désagréables dans tous le corps ; j’ai du rester là à sentir sans anesthésiant, de nombreuses choses remontaient et remonte encore. Mais une force en moi n’avais plus le choix, c’était ça, ou une condamnation de souffrances à perpétuité, qui entrainerait de façon atroce et lente, à la mort physique. La flamme qui m’anime au fond de moi ne pouvait s’éteindre ainsi, je le sentais ; même si cela n’a pas résolu toutes mes souffrances, ça m’a permis de les voir et d’apaiser grandement mon quotidien. L’arrêt de l’alcool s’est fait naturellement en douceur, sans médicaments, je n’avais plus besoin de fuir mes souffrances car j’avais décidé de les regarder, j’ai préférais faire un pas en avant plutôt que de continuer à trébucher en arrière."
© Florian CHAVE
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/florian-chave

Mots clés : alcool, honte, addiction

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