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Gabriel VOISIN EI
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Gabriel VOISIN
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ARTICLES / DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

JOURNAL D'UN CORPS ET SOPHROLOGIE : QUAND LA LITTÉRATURE RENCONTRE LA CONSCIENCE CORPORELLE

article de Gabriel VOISIN du 05/09/24 6 minutes 1185 4
Daniel Pennac nous propose avec Journal d’un corps un roman singulier. Il ne s’agit pas d’un traité de sophrologie, mais plutôt d’une expérience de lecture profondément humaniste. Pennac rappelle souvent que la lecture doit être un plaisir, sans nécessairement s'enfermer dans des interprétations trop techniques. En me laissant emporter par cette œuvre, je n'ai pas pu m’empêcher de faire des rapprochements avec la sophrologie. Au-delà du plaisir littéraire, certains principes fondamentaux de la sophrologie, comme la compréhension de notre nature humaine à travers le corps, résonnent avec la narration de Pennac.

Dans ce roman, il ne s’agit pas d’un journal intime classique, mais du journal d’un corps, où le narrateur prend le temps de percevoir les phénomènes vécus par son corps à travers le mouvement, l’espace, et le temps. Cette exploration permet au narrateur d’évoluer, de trouver un équilibre, ce qui fait écho à ce que propose la sophrologie : un chemin vers la connaissance de soi et un mieux-être par l'écoute du corps.



Le schéma corporel comme réalité vécue : Le Corps comme Lieu de Conscience
Dès les premières pages, le narrateur décrit les phénomènes physiques de son personnage, un homme, avec une sobriété qui rappelle l’approche sophrologique. Il observe son corps, tout comme le ferait un pratiquant de sophrologie, à travers ce que l’on appelle une phénodescription de la vivance. Ce jeune garçon, éduqué par un père marqué physiquement par la Première Guerre mondiale, compare son propre corps à celui de son père ou à des illustrations médicales.

Les descriptions des premières éjaculations « En séchant sur la peau, le sperme craquelle. » p. 51 ou d’un K.O. en boxe « Pression inférieure de mes yeux, ce matin. Comme si on cherchait à les pousser hors de leurs orbites. » p. 87 sont autant d’exemples où le narrateur fait l’expérience de son corps, souvent avec jugement, contrairement à ce que prône la sophrologie, qui vise à l’observation sans critique.

La relation entre le corps vécu et l’estime de soi est également mise en lumière. Le narrateur, enfant, se voit comme mal à l’aise, disgracieux, maigre. L'estime de soi est faible, influencée par le regard des autres, notamment celui de sa mère. Cependant, après la mort de son père, un processus de résilience s’opère. Le jeune homme « se prend en main », décide de changer, et commence par son corps. L’entraînement physique qu’il entreprend lui fait découvrir de nouvelles sensations, émotions et une meilleure estime de lui-même. Ainsi, il enrichit la représentation mentale de son corps, son schéma corporel, qui évolue et se transforme. La sophrologie, à travers ses relaxations dynamiques, met elle aussi l’accent sur un corps en mouvement, soulignant l’importance de cette dynamique pour notre équilibre.



La Temporalité et le Corps
Au fil du récit, la dimension temporelle du narrateur devient apparente. Même adolescent, il est capable de ressentir de la nostalgie pour le passé et de l’inquiétude pour l’avenir. Le roman évoque le temps linéaire (Chronos) à travers des souvenirs et des projections, comme lorsque Violette, la servante qui l’a élevé, meurt. Le narrateur, traumatisé, se coupe de ses désirs et de ses perspectives, et entreprend une grève de la faim. Il fait souffrir son corps pour symboliser la douleur de son être tout entier. Ce passage illustre bien la relation corps-esprit, un lien fondamental en sophrologie.

La temporalité cyclique (Aion), le cycle vie-mort, est également présente. Le narrateur assiste à la mort de proches tout en étant témoin de la naissance de sa descendance. Dans chaque étape, son corps reste le médium de sa rémission, comme après la commémoration de la fin de la guerre en 1945. Le passage suivant montre comment le corps devient le lieu de libération d’un poids émotionnel accumulé :
« Ce matin, j’ai effectivement versé toutes les larmes de mon corps. Il serait plus juste de dire que mon corps a versé toutes les larmes accumulées par mon esprit pendant cette invraisemblable tuerie. (…) Une fois liquéfié, on peut célébrer les retrouvailles avec le corps. Le mien dormira bien cette nuit… » p.125

Ce passage montre comment les émotions retenues peuvent enfin être libérées, permettant au narrateur de retrouver un équilibre, un principe essentiel en sophrologie qui allie travail corporel et réconciliation avec l’esprit.



Le moi-peau
En avançant dans sa vie d’adulte, le narrateur devient de plus en plus conscient de la seconde peau que constitue sa tenue vestimentaire, qui lui permet d’appartenir à un groupe social. Cette « tunique » extérieure devient un symbole d’identité sociale. Toutefois, Pennac accorde une plus grande importance aux contacts peau à peau avec les proches du narrateur, que ce soit dans ses relations familiales, amicales ou amoureuses. Ces expériences sensorielles révèlent la véritable essence du lien à soi et aux autres, rappelant que notre peau est une frontière, un point de contact essentiel entre l'intérieur et l'extérieur, le soi et l'autre.



Le corps hier et aujourd’hui
Le roman nous montre comment le narrateur a vécu à une époque où il était encore possible de prendre le temps d’observer son corps, même si les discussions sur celui-ci étaient taboues. Avec la libération sexuelle des années 60-70, ces tabous se brisent, et le corps devient omniprésent. L’apparence physique prend une importance croissante, une évolution que le narrateur observe avec une certaine surprise, mais aussi avec bienveillance.

Aujourd’hui, notre époque nous pousse à diriger constamment notre attention vers l’extérieur. Les écrans, la publicité, et l’obsession de l’apparence envahissent notre quotidien. Le regard intérieur, essentiel pour une connaissance de soi profonde, se fait rare. Pourtant, ce retour à soi est crucial pour développer l’estime de soi et véritablement entrer en relation avec les autres. En cela, la sophrologie joue un rôle fondamental : elle nous aide à cultiver une conscience de notre corps dans une société où celui-ci tend à devenir un simple objet social, voire un artefact manipulable par la technologie et les filtres des réseaux sociaux.

Conclusion
La lecture de Journal d’un corps est une invitation à se reconnecter à soi-même, à travers l’écriture, la sophrologie, le yoga, ou d’autres pratiques corporelles. Ces chemins mènent à un retour à la conscience corporelle, essentielle pour l’équilibre personnel. Nous portons tous en nous un être social et un être intime, deux faces d’une même pièce. Mais lorsque l’une des polarités devient trop dominante, notre harmonie intérieure peut en pâtir. Nos nouveaux modes de vie, axés sur l’apparence, modifient nos relations et notre vision du monde. Il revient à chacun de prendre le recul nécessaire pour examiner où il en est, et retrouver le chemin vers un équilibre plus serein.

Article inspiré du roman de Daniel Pennac Journal d'un corps
© Gabriel VOISIN
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/naitre-et-exister

Mots clés : corps, journal, sophrologie, vie, roman

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