L’excès envahit insidieusement notre existence : toujours plus d’activités, d’achats, de sollicitations… On se retrouve surchargé, incapable d’apprécier la douceur de vivre. Et si, pour sortir de ce cercle infernal, il fallait apprendre à s’abstenir ?Cela commence souvent de façon insidieuse, par un mal de dos, un poids sur les épaules. Ou alors on éprouve une sensation d’étouffement. Dans la rue, au travail, partout, on cherche de l’air. A ce stade, tout agace : le marché après le travail, les coups de fil interrompant les devoirs des enfants, les dîners avec les copains qui commencent tard à cause de l’agenda "surbooké" de chacun. Peu à peu, tout perd de sa saveur, les loisirs eux-mêmes deviennent des contraintes et le quotidien se transforme en une course effrénée vers on ne sait plus quoi. On vit dans le trop-plein.
« J’ai toujours craint ceux qui partent à l’assaut de leur vie comme si rien n’était plus important que de faire des choses, vite, beaucoup », a dit l’écrivain Christian Bobin. Comment avons-nous pu en arriver là ?
Le trop appelle le tropDepuis que le sociologue Alain Ehrenberg a nommé et analysé La Fatigue d’être soi (Odile Jacob) contemporaine, nous savons que la société de compétition nous encourage à devenir des individus émancipés, responsables de leur vie. Dépourvus des repères traditionnels, nous sommes aussi minés par le perfectionnisme, la nécessité d’être toujours "plus". Lors d’une intervention au colloque “Vivre fatigué”, organisé par les PUF et la Société française de psychosomatique, le psychiatre Christophe Dejours avait même parlé de "pathologies de surcharge" regroupant différents troubles liés à "l’hyperactivité sans fin".
L’histoire familiale de chacun peut aussi jouer un rôle : pour peu qu’on ait été éduqué sous une pression constante, qu’on cherche à calmer son angoisse ou à réparer le destin tragique d’un aïeul, on multipliera achats, travail ou rendez-vous pour se noyer dans l’activité. Ce sont alors des croyances inconscientes qui nous téléguident vers le trop-plein.
On se retrouve pris dans un cercle vicieux : plus de café pour travailler plus, plus de sucre pour se réconforter de tant d’efforts, plus d’achats pour se faire du bien… Mais plus on achète, plus on doit s’occuper de ce que l’on possède, donc moins on a de temps sans contrainte. C’est alors le vertige du "trop-consommer" ; même les objets qui étaient censés nous libérer ou nous faire "gagner du temps" se retournent contre nous : nos conversations au portable nous empêchent de regarder le ciel ou les arbres dans la rue, les infos tous azimuts nous laissent peu de temps pour penser par nous-mêmes. Ainsi vit l’homme occidental, la bouche, les mains et la tête pleines jusqu’à ne plus savoir qui être. Peu à peu, son esprit est aussi chargé que ses chariots du week-end. Or, comme le rappelle la sagesse zen, « il est aussi difficile de vivre avec un esprit encombré qu’avec une maison en désordre ».
S’exercer au renoncementComment s’en sortir ? Les : « Je change de vie, je vends tout et je me tire ailleurs… », ces « tout ou rien » drastiques ne sont pas forcément des solutions efficaces car ils n’impliquent pas de changement intérieur. C’est plus probablement par petites touches qu’on allège sa vie, en comprenant d’abord de quoi est fait ce trop-plein qui nous coûte tant. Une démarche nouvelle, plus accessible, que nous vous proposons dans ce dossier. On peut également s’exercer en douceur à certaines formes d’abstinence, en apprenant à renoncer.
Aujourd’hui, par exemple, naissent des "jours sans achat", d’autres "sans tabac" ; ou encore des "quiet parties" (soirées-rencontres silencieuses) sont organisées par les créateurs d’événements. A un niveau plus personnel, des idées nous sont proposées : apprendre à laisser passer les gens pressés, à éteindre la télévision, à décrocher des smartphones ou à passer une journée sans voir personne.
Catherine Laroze, philosophe de formation, a créé la surprise il y a quelques années avec le succès de son livre " L’Art de ne rien faire" : vingt mille exemplaires vendus en quelques mois. Pour elle, la solution au trop-plein passe par le respect de "sas" réguliers, des temps de réflexion et d’introspection, pour réfléchir à ce que l’on vit et ne pas rester "le nez dans le guidon". Elle-même se ressource ainsi dans son quotidien : « Lorsque j’ai deux rendez-vous stressants dans la journée, je sais qu’ils vont demander beaucoup de moi, et donc je prévois d’aller savourer un thé à une terrasse entre les deux. »
C’est l’un des aspects de la voie minimaliste : le "moins" est un nouvel objectif qui ne vise pas seulement à éliminer les choses ou les actions, mais à leur redonner du sens, comme l’explique Dominique Loreau, "coach du vide". Pour elle, « apprendre à vivre dans la simplicité relève de la pratique spirituelle ».
Goûter la simplicitéSimplicité. Le mot est prononcé. Il s’inscrit dans un vaste courant qui s’exprime aujourd’hui. En Amérique du Nord, et plus particulièrement au Canada, on vante la « simplicité volontaire ». Un mode de vie qui remet en question nos habitudes de consommation, de travail, notre tendance à gaspiller les ressources de la planète, sans même savoir les recycler, tous fléaux qui compromettent la vie des générations futures et ne peuvent donc nous rendre heureux. On sait désormais que la vraie richesse est dans la découverte de l’essentiel.
Cette tendance n’échappe pas aux pros du marketing les plus avisés, y compris dans le secteur du luxe. Ainsi Ray Matts, qui avait conçu parfum de Clinique sobrement appelé Simply. Sa principale inspiration ? « Comme la plupart des gens aujourd’hui, je réfléchis à une véritable manière de simplifier notre vie. Bien sûr, nous bénéficions d’un maximum de biens matériels, mais c’est pourtant du plus simple dont nous avons besoin pour souffler un peu : la fraîcheur d’un bouquet de fleurs, par exemple, ou encore la chaleur du bois, la douceur d’un souffle de bébé, des choses qui paraissent tellement banales qu’on les oublie trop souvent dans notre course quotidienne. »
A chacun donc de découvrir les situations, les goûts, les relations qui importent vraiment dans sa vie. Loin du superflu, du trop-plein et de l’artificiel, se trouve peut-être la" vivifiante" légèreté de l’être.
Nous avons besoin de temps de retrait pour aller vers le nouveau
Qu’est-ce qu’une vraie pause ?C’est un temps de déconnexion où l’on sort de la maîtrise pour s’ouvrir à un moment sympa de la vie : savoir se poser quelques minutes pour un café à la terrasse d’un bistrot. Là, capter les bruits, les conversations, rêver… Nous avons absolument besoin de ces temps de "jachère psychique", ces entre-deux où l’on rompt avec le quotidien… Sinon, on peut avoir tendance à se trouver des bulles artificielles – l’alcool, la drogue… – pour fuir, mais c’est alors une autre façon de se trouver enchaîné.
Est-ce nécessaire à tout âge ?Oui, ces espaces intermédiaires entre soi et le monde nous permettent ensuite d’aller sans trop de risques vers l’autre. Le "doudou" du tout-petit, puis le jeu de l’enfant occupent cette fonction. .... Nous avons besoin de temps de "retrait" pour digérer, penser ce que l’on a vécu, avant d’aller vers le nouveau.
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