Dans un article récent rapporté par Elsa Abdoun:
ADN, il transmet aussi nos souvenirs!» paru sur le magazine Science et vie de mars 2014
Une découverte importante:
des souris soumises à une expérience désagréable, ont transmis via leur ADN, la mémoire de cet évènement à leur progéniture.
Un héritage «épigénétique» qui interroge la notion de l’inné…
Pour ceux qui reprochent aux jeunes gens de faire peu de cas des leçons de leurs aînés et qui s’offusquent que la mémoire des événements passés se dissolve dans l’agitation du présent, la nouvelle devrait singulièrement apaiser leurs craintes: le souvenir de ce qu’ont vécu nos ancêtres, loin d’être perdu se trouve tapi au plus profond de nous. Mieux, c’est en droite ligne que chacun profiterait en droite ligne de l’expérience de ses aïeux…Par exemple, vous avez peur des chiens, il se peut que votre grand-père ait été douloureusement mordu par un chien dans sa jeunesse. Vous aimez particulièrement manger gras? C’est peut être que votre arrière grand-mère a connu les affres de la faim.
Nos souvenirs transmis génétiquementCette idée de la transmission par hérédité des caractères acquis- transmission épigénétique- est en contradiction avec la théorie de Darwin de l’évolution. Qu’en est-il exactement? Il est connu que les caractères sont transmis à travers le génome. Mais c’est la première fois que l’on parle de souvenirs d’actes -surtout désagréables- qui se perpétuent dans la descendance. Comment sont-ils imprimés dans l’ADN, et comment certains souvenirs sont plus privilégiés que d’autres pour la transmission?
Darwin et Lamarck: qui a raison?
La sélection naturelle, proposée par Darwin, trie les variations aléatoires et permet l’adaptation de la population. Alors, comment interpréter l’hérédité épigénétique et la concilier avec le modèle de Lamarck?
L’épigénétique ne cautionne pas l’hérédité des caractères acquis mais permet d’envisager une plus grande souplesse dans l’adaptation d’un génome à un environnement donné. «L’épigénétique est l’ensemble des mécanismes moléculaires ayant lieu au niveau du génome et de la régulation de l’expression des gènes qui peuvent être influencés par l’environnement et l’histoire individuelle ainsi qu’être potentiellement transmissibles d’une génération à l’autre, sans altération des séquences nucléotidiques(ADN), et avec un caractère réversible.
On peut sans doute comparer la distinction entre la génétique et l’épigénétique à la différence entre l’écriture d’un livre et sa lecture. Une fois que le livre est écrit, le texte (les gènes ou l’information stockée sous forme d’ADN) seront les mêmes dans tous les exemplaires distribués au public. Cependant, chaque lecteur d’un livre donné aura une interprétation légèrement différente de l’histoire, qui suscitera en lui des émotions et des projections personnelles au fil des chapitres. D’une manière très comparable, l’épigénétique permettrait plusieurs lectures d’une matrice fixe (le livre ou le code génétique), donnant lieu à diverses interprétations, selon les conditions dans lesquelles on interroge cette matrice.»
L’étude de Brian Dias et Kerry Ressler
Les souvenirs hantent les descendants de souris
Dans la publication des chercheurs Brian Dias et Kerry Ressler de l’Université Emory d’Atlanta (Géorgie, Etats-Unis), nous lisons les principales observations: «Certaines craintes peuvent être héritées par les générations, une étude de provocation de souris.
Les auteurs suggèrent que le même phénomène pourrait influer sur l’anxiété et la toxicomanie chez les humains. Mais certains chercheurs sont sceptiques sur les résultats, car un mécanisme biologique qui explique le phénomène n’a pas été identifié. (…) Pourtant, certaines études ont laissé entendre que les facteurs environnementaux peuvent influencer la biologie plus rapidement grâce à des modifications «épigénétiques», qui modifient l’expression des gènes, mais pas leur séquence nucléotidique réelle. Par exemple, les enfants qui ont été conçus au cours d’une famine en temps de guerre dure aux Pays-Bas dans les années 1940 sont à risque accru de diabète, de maladie cardiaque et d’autres conditions.»
« Kerry Ressler, s’est intéressé à la transmission épigénétique après avoir travaillé avec des gens pauvres qui vivent dans les centres-villes, où les cycles de la toxicomanie, maladie neuropsychiatrique et autres problèmes semblent souvent se reproduire chez les parents et leurs enfants. «Il y a beaucoup d’anecdotes à suggérer qu’il y a transfert intergénérationnel du risque, et qu’il est difficile de briser ce cycle,» dit-il. L’étude de la base biologique de ces effets chez les humains serait difficile. Donc Ressler et son collègue Brian Dias ont opté pour étudier l’hérédité épigénétique chez les souris de laboratoire formés à craindre l’odeur de l’acétophénone. Ils mirent une odeur en présence de souris auxquelles ils faisaient des petits chocs électriques à des souris mâles. Les animaux finalement ont appris à associer l’odeur à la douleur, frissonnant dans la présence d’acétophénone même sans choc. Cette réaction a été transmise à leurs bébés. Malgré que ces descendants n’aient jamais rencontré d’acétophénone dans leur vie.Une troisième génération de souris – les «petits-enfants» – a également hérité de cette réaction. Les chercheurs veulent maintenant déterminer depuis combien de générations la sensibilité à l’acétophénone dure, et si cette réponse peut être éliminée. Le scepticisme que le mécanisme d’héritage est réel sera probablement persistant, Ressler dit, «jusqu’à ce que quelqu’un puisse vraiment l’expliquer d’une manière moléculaire» «Malheureusement, cela va probablement être compliqué et va probablement prendre un certain temps.»
Quelle est la relation entre la génétique et la mémoire? «Pourquoi on bâille quand on est endormi? Pourquoi avons-nous envie de nourriture, quand nous avons faim? Pourquoi avons-nous un sentiment d’insécurité et de peur quand nous sommes dans l’obscurité totale? En biologie, la mémoire est présente si l’état d’un système biologique dépend de son histoire passée et des conditions actuelles. Si cette mémoire est enregistrée dans le matériel génétique et de manière stable héritée de la division cellulaire (mitose ou la méiose). Cette mémoire génétique est héréditaire dans notre ADN qui est le seul moyen de stockage impliqué dans le transfert de l’information à la prochaine génération.»
Et chez l’homme?«Des phénomènes analogues peuvent-ils être identifiés chez l’homme?
Les gènes ne font pas tout!
Des découvertes récentes dans ce domaine nous interpellent beaucoup plus que nous pouvons l’imaginer. Il a été longtemps dit que notre apparence est déterminée par la combinaison des gènes de nos parents. En outre, nos aptitudes, musicales et sportives, et même nos traits émotionnels sont sensiblement affectés par nos racines génétiques. Ces dernières années, les généticiens se sont aperçus que l’environnement (l’alimentation, les conditions climatiques, le stress..) pouvait laisser des traces dans le génome des plantes et des animaux et de l’homme sous forme de modifications, appelées épigénétiques, de l’expression des gènes. Ces modifications sont transmissibles et réversibles et elles ne s’accompagnent pas de changements dans le support génétique, (de l’ADN)»
«Ces résultats montrent que l’héritage transgénérationnel existe et est médié par l’épigénétique mais d’autres études sont nécessaires avant de pouvoir extrapoler ces résultats à l’homme» explique Wolf Reik, un généticien qui a commenté l’étude.
«Mais peut-être qu’un jour nous aurons à disposition des thérapies pour adoucir la mémoire de l’héritage» ajoute-t-il. D’autres spécialistes pensent que cette étude pourrait permettre de mieux comprendre des troubles comme les phobies, l’anxiété ou le stress post-traumatique. Cette idée que l’expérience des parents peut constituer un héritage biologique transmis à la descendance n’est d’ailleurs pas nouvelle même si elle est tombée en désuétude au XXème siècle.Nous ne comprendrons pas la hausse des troubles neuropsychiatriques ou l’obésité, le diabète et les perturbations métaboliques sans prendre en compte une approche multigénérationnelle» estime pour sa part Marcus Pembrey, un généticien britannique.
Ceci dit, normalement, il y a une atténuation en très peu de générations (c’est d’ailleurs logique, sinon ça serait un frein à l’évolution). Et n’oublions pas l’importance non négligeable de la transmission de comportements, et tout ce qui se passe dans le ventre de la mère. Il y a plus de chances que certains phénomènes soient de l’ordre de la transmission culturelle mais aussi génétique.
Epigénétique et victimes des violences. « L’exemple de Holocauste »
L’épigénénétique expliquerait aussi bien des choses pour les gens dont les parents ont vécu la guerre (les guerres, dans certains cas) avec les horreurs qu’on connaît. En tout cas, je pense à un cas précis, et ça me permet d’envisager certaines explications. Extrait du lien vers le National Geographic: En 2002, l’épidémiologiste suédois Gunnar Kaati a étudié l’impact de l’alimentation d’hommes nés entre 1890 et 1920 sur leurs descendants. Conclusion: quand les grands-pères ont subi des restrictions alimentaires entre 8 et 12 ans, leurs petits-fils ont une mortalité cardio- vasculaire plus faible et une espérance de vie accrue. Ceux dont les aïeux ont été bien nourris ont quatre fois plus de diabète et vivent moins vieux. La santé des petits-enfants est donc influencée par des conditions de vie qu’ils n’ont pas connues, dont leur organisme garde la mémoire.
Ariane Giacobino s’est aussi intéressée aux victimes de l’Holocauste.
Depuis peu écrit-elle, des stress psychologiques intenses, traumatismes, abus, maltraitances, guerres ou conflits, et catastrophes naturelles majeures ont pu être mis en lien avec des modifications épigénétiques (affectant le fonctionnement des gènes sans modifications de leur séquence ADN). Fragilité, anxiété, risque accru de développer des états de stress post-traumatiques, des troubles psychiatriques, ou encore une moins bonne immunité, seraient des conséquences possibles.
Il a été suggéré que ces changements épigénétiques pouvaient, dans certains cas, être également retrouvés dans la descendance des personnes directement exposées à ces évènements délétères hors normes. (…) Bon nombre d’études se sont penchées sur les survivants de l’Holocauste, leur descendance, mais cet aspect épigénétique potentiellement transgénérationnel n’a pas encore été clairement exploré. (…) Tout récemment, c’est un article d’une revue israélienne de psychiatrie et sciences apparentées qui soulève la question fort pertinente, de la transmission de marques épigénétiques par les survivants de l’Holocauste à leur descendance, soulignant qu’il y a bien eu les récits, la communication, l’éducation, faite à ces enfants, devenus maintenant des adultes, mais peut-être bien aussi des éléments biologiques, comme des modifications épigénétiques. De là, une vulnérabilité accrue?»
«Bien entendu, poursuit-elle, la génétique est aussi impliquée de manière directe dans l’effet qu’un stress environnemental majeur, ou traumatisme, peut avoir sur un individu, dans la mesure où certains individus ont déjà, de par leurs variations génétiques, une vulnérabilité (ou au contraire peut-être une faculté de résilience) plus grande que d’autres, et que ce facteur génétique pourrait être transmis.
Mais on estime que le facteur héréditaire n’explique qu’une moindre proportion de la réponse au traumatisme: le 30% environ.
Si l’on met tout cela ensemble: génome, épigénome, générations, individus et traumatismes, on est tenté de croire qu’une compréhension plus claire de facteurs de vulnérabilité chez des sujets et descendants de sujets exposés à des traumatismes majeurs, comme l’Holocauste, viendra de l’épigénétique. Par ailleurs, comment comprendre cet étonnant constat: une étude scientifique a rapporté que les survivants de l’Holocauste (20 ans ou moins à l’époque) auraient une longévité plus grande que ceux qui n’ont pas été exposés à ce traumatisme. Un effet discuté non pas comme une conséquence mais comme un cumul de facteurs génétiques, psychologiques, physiques et de tempérament, qui mis ensemble, auraient permis la survie.»
Notre comportement pourrait être dicté par les souvenirs des générations précédentes, impliquant l’existence d’une mémoire génétique. Si nos aïeux nous transmettent leurs traits physiques, ils nous transmettraient aussi leurs souvenirs, bons ou mauvais. Ces découvertes pourraient faire avancer les recherches, l’anxiété ou les troubles de stress post-traumatique. Ces symptômes pourraient ainsi être directement liés aux souvenirs de nos parents.
Dans le même ordre, l’épigénétique appliquée à tous les conflits ouvre un champ d’étude intéressant mais peut amener à une nouvelle vision des dommages de guerre que l’on pourrait faire supporter à l’agresseur et que les descendants jusqu’à une génération à définir seraient en droit de revendiquer, puisque ce qui leur arrive est un héritage et qu’ils n’y sont pour rien.
Une question importante qui de mon point de vue n’a pas été abordée :
Pourquoi ne peut-on pas transmettre par l’ADN des événements heureux? Les études actuelles ne répondent pas. En définitive, cette découverte ouvre bien des portes, tout en minimisant notre responsabilité intrinsèque.
La Conscience universelle enveloppe les humains parfois d’étranges phénomènes qui la mettent en évidence. Ce qui peut nous motiver de manière inexplicable qui reste visiblement, malgré toute notre bonne volonté, du domaine de l’inné. On peut effectivement penser à se «reprogrammer». Que devient alors le destin si le parcours d’un descendant est programmable, reprogrammable, au-delà du fait qu’ll est connu déjà et que l’hérédité intervient ?
Il lui reste la culture et le savoir qui dépendent de son aptitude et de sa résilience à se battre. La prédestination est de ce fait, interrogée. L’homme est-il maître de son destin ou se contente-t-il de gérer une feuille de route remise à sa naissance?
Rusty james
© Anne-Catherine ZUSSINIreproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/zussini
Mots clés : souvenirs,vie,ancetres,sont,génétiquement,transmis,adn
Article retenu par Théranéo pour la
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