Réflexion d'une thérapeute pour les thérapeutes...Il m’arrive parfois de me dire en pleine séance : « euh, où va-t-on là ? »
Une impression forte de perdre totalement le contrôle.
Non, que cela me fasse peur, j’ai l’habitude : il est temps de bien me recentrer !
….non pas sur ce que dit le patient (je suis centrée là)
…non pas sur ce que je sais faire qui « pourrait marcher» (ce n’est pas dans ma tête que la solution se trouve mais dans l’interaction avec le patient)
… mais sur la confiance en ce qui est et ce qui vient. Ou va venir !
Inutile de chercher la «recette » miracle » qui va permettre d’obtenir un résultat positif.
Inutile d’ailleurs de « rechercher » un quelconque résultat : si mes années de pratique m’ont appris quelque chose, c’est bien que je ne « sais » rien et n’ai en fait aucune prise sur l’issue du patient.
Mon rôle se borne à accompagner mes patients dans un cheminement qu’EUX SEULS maitrisent.
Ont-ils des résistances ? Je n’ai pas le pouvoir de les lever, d’ailleurs ils en ont besoin pour se protéger.
Ont-ils envie d’aller vite : ils n’iront pas plus vite que leur musique intérieure !
Aussi quand un de ces moments de doute surgit, ce n’est pas vers la « meilleure technique » que je vais me tourner. La plupart des techniques sont excellentes si elles sont employées au bon moment.
Je vais accepter ce doute, reconnaitre ma limite et m’en remettre entièrement à la sagesse de la vie.
Ce moment de flottement est peut-être utile.
Un silence s’installe ?
Laissons-le s’installer.
Parfois, on tapote, juste comme çà...
En l’occurrence, le patient tapote en restant connecté avec son problème et moi avec le mien, j’ai donc largement le temps de me « rassembler » :
Intérieurement je répète tranquillement
« Même si je ne vois pas où je vais, je choisis de faire confiance à la vie »
« Même si je me sens dans l’impasse, je choisis de faire confiance à la vie »
« Même si j’ai la tentation de « vouloir » résoudre le problème, je choisis de faire confiance à la vie »
« Même si j’ai cette difficulté à accepter ce qui vient ou ne vient pas, je choisis maintenant de lâcher le jugement »
…etc.
Et à chaque fois il se passe quelque chose, une information arrive, une intuition monte, une inspiration m’oriente d’un coup vers une technique. Ilya quelque chose de spontané, d’harmonieux qui s’installe et la séance trouve enfin son rythme.
Le doute est cet espace où tout est possible.
Si je « sais » mieux que mon patient, si je mets ma technique avant de qui vient, si je cherche à contrôler alors je peux devenir dangereuse.
Je peux priver mon patient de l’accès à lui-même qui lui convient le mieux.
Alors mieux vaut m’effacer, mettre tout en retrait, y compris les techniques.
Ce ne sont pas les techniques qui font la différence mais la qualité de la relation patient-thérapeute. Si je suis dans la toute-puissance de celui qui sait, quel pouvoir lui est-il reconnu ?
Le doute permet au thérapeute de se reconnecter avec la confiance en un principe plus large, plus universel !
Faire confiance à la vie, pour le thérapeute, c’est accepter que quelque chose de plus grand que Soi utilise notre Etre, nos compétences, au service des patients.
Au centre d’une matrice infinie d’information, nous recevons et redonnons. Nous « provoquons » un mouvement que va utiliser le patient si il le souhaite. Quand il le souhaite.
Notre rôle est de « faciliter » un processus.
Ce qui va permettre au patient de se libérer et d’accéder à lui-même, à sa Vie, à son bonheur, passe à travers nous, pas par nous.
Parfois quand je reçois des collègues en mal de « supervision », à la recherche des recettes pour faire des « séances miracles » je les invite à tapoter :
« Même si, « Moi, Sauveur », je m’aime et je m’accepte profondément tel(le) que je suis »
Ou
« Même si j’ai la croyance que je peux sauver/guérir/soigner (au choix, etc) mon patient, je remercie la vie de me donner maintenant la grâce de l’humilité »
Récemment après une séance magnifique j’ai tapoté personnellement :
« Même si j’ai le sentiment d’être géniale, je remercie la Vie de me donner maintenant la grâce de l’humilité »
… parce que mieux vaut prévenir que guérir !
J’ai appris à aimer ce doute qui m’oblige à rester humble attentive et surtout : à ma place !
Je remercie ce doute qui m’invite à me mettre à ma juste place dans l’Univers.
J’accueille ce doute, qui également déculpabilise le patient de ses propres doutes.
Alors, amis et collègues thérapeutes, ne craignez pas le doute ou de « mal faire »… tout ce qui vient est bien.
Et vous patients, ne craignez pas non plus ces moments où le thérapeute ne parait plus contrôler la situation : il passe la main à la vie même ! Votre meilleur atout.
Bonne Alliance Thérapeutique !
© Marie Odile BRUS
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/brus-marie-odile
Mots clés : eft,thérapeute,pratique,déontologie
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