Depuis sa crypte ancrée dans la terre jusqu’à ses tours dressées vers le ciel, en passant par son labyrinthe et ses vitraux, ce monument invite symboliquement à un chemin de transformation. Conjuguant, au fil des siècles, tradition celtique, pensée chrétienne et quête alchimique, la cathédrale de Chartres est un écrin de spiritualité.
La cathédrale de Chartres n’est ni la plus grande, ni la plus haute, ni la plus ancienne de France. Pourtant, elle interpelle les visiteurs. Située sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, à 80 kilomètres au sud-ouest de Paris, en Eure-et-Loir, elle est depuis toujours un phare qui guide les pèlerins, païens comme chrétiens.
Édifiée sur un site mégalithique que les Celtes et les Gaulois se sont tour à tour approprié, elle a été plusieurs fois détruite et reconstruite. On suppose que son premier bâtiment date du IVe siècle. Aujourd’hui considérée comme la cathédrale gothique la plus représentative et la mieux conservée de France, elle a pris racine sur les ruines de l’ancienne cathédrale romane – oeuvre de l’évêque Fulbert – qui a brûlé en partie à la fin du XIIe siècle.
Ainsi peut on découvrir un joyau architectural combinant différents styles et traditions, modelé au fil du temps, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979. Une histoire qui ne fait que renforcer sa superbe, sa puissance et sa singularité. La cathédrale de Chartres inspire assurément un profond souffle mystique.
La lumière alchimiqueSi elle est un monument chrétien édicté selon les règles de l’art sacré, elle recèle aussi de nombreux messages de la quête alchimique, à l’intérieur comme à l’extérieur. Patrick Burensteinas, ingénieur en physique des matériaux et alchimiste, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, dont un sur Chartres, explique : «
Sur la façade de la cathédrale, on peut découvrir un Christ à l’intérieur d’une mandorle, évoquant un seuil qui permettrait d’accéder à un autre monde. Le Christ laisse passer la lumière sans aucune résistance, pour aller du terrestre vers le céleste... »
On retrouve là une caractéristique de la fameuse « pierre philosophale », si chère aux alchimistes. Cette pierre permettrait de transformer les métaux vils en métaux précieux, comme le plomb en or, mais aussi de métamorphoser la matière en lumière. Et justement, de ses fondations tournées vers la terre à son toit dressé vers le ciel, en passant par sa crypte, ses tours ou son labyrinthe, la cathédrale de Chartres invite à un voyage, de l’ombre vers la lumière.
Un fort courant tellurique
Au sous-sol, la crypte nous révèle bien des mystères et nous permet d’entrer dans les profondeurs de l’Histoire. Elle a été construite sur un tertre abritant un dolmen, sans doute encore enfoui sous la nef. «
Le dolmen est situé en un lieu où le courant tellurique a sur l’homme une action spirituelle », souligne l’écrivain Louis Charpentier dans son livre référence sur Chartres. À cette énergie provenant de la terre se combine celle venant du ciel, selon la position des astres. Une énergie qui va remplir les pierres des murs de la cathédrale et se diffuser à travers ses vitraux pour réaliser le « Grand OEuvre ». «
Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose », révèle La Table d’émeraude d’Hermès Trismégiste, le texte fondateur de l’alchimie occidentale. C’est ainsi que l’on passe de « l’OEuvre au noir », le travail de l’ombre, à « l’OEuvre au blanc », permettant l’union de l’esprit et de l’âme, puis à « l’OEuvre au rouge », la rubédo, unifiant esprit, corps et âme.
Des tours asymétriquesFaisant face à la plaine de la Beauce, deux tours, complètement différentes, tant en termes esthétiques que symboliques, surgissent de la cathédrale, créant ainsi le lien avec le ciel. Surmontée d’une girouette représentant une lune, la première témoigne d’une architecture romane datant du XIIe siècle et se réfère à la polarité féminine. La seconde, au style gothique flamboyant, achevée au XVIe siècle et dominée par un soleil, renvoie à l’énergie masculine.
«
Logiquement, la tour du soleil devrait être exposée au sud et celle de la lune au nord. Or, c’est l’inverse. Cette position ne relève pas d’un hasard. Elle a été déterminée volontairement en fonction du passage dans le sol des énergies telluriques, ceci par souci d’équilibre », explique l’historien Michel Deseille, qui propose lui aussi une lecture alchimique de la cathédrale de Chartres. Tout semble se compléter, se combiner et circuler comme pour aider à se transformer intérieurement, entre différents éléments et polarités. «
Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l’a porté (( e )) dans son ventre ; la Terre est sa nourrice », lit-on encore en écho dans La Table d’émeraude.
Un labyrinthe symbolique
Situé au fond de la nef, face à l’autel, le labyrinthe de Chartres a généré de nombreuses interprétations depuis son tracé à la fin du XIIe siècle. Quand certains se réfèrent à un pèlerinage symbolique vers la Jérusalem céleste ou à un rituel pascal, d’autres évoquent encore un symbole alchimique. « Il est comme un escalier qui nous fait monter dans l’esprit. Il nous invite à un cheminement dans notre propre conscience », explique Patrick Burensteinas. Dans cette quête, le labyrinthe représente les multiples difficultés que l’on rencontre sur le chemin. Certains racontent même que celui de Chartres serait capable d’agir sur la matière et, qui sait, peut-être de modifier notre perception du réel...
Pour Louis Charpentier, celui-ci n’est pas à proprement parler un labyrinthe, en ce sens qu’il est impossible de s’y égarer, car il n’existe qu’un chemin qui mène au centre. Toujours est-il que depuis des millénaires, des milliers de pèlerins s’y aventurent, tantôt pour trouver la pierre philosophale, tantôt pour s’ouvrir progressivement au Christ, ou tout simplement pour trouver harmonie et équilibre, dans une quête de transformation intérieure.
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Mots clés : cathédrale,spiritualité,énergietellurique
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