L’article s’inspire du livre "Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner " de Patrice Van Eerse rédacteur en chef du magazine Clés et des recherches de Daniel Goleman, auteur des livres "L’intelligence émotionnelle", et "L’intelligence relationnelle".
Grâce au perfectionnement des techniques d’imagerie corticale, en particulier le scanner à résonance magnétique nucléaire fonctionnelle (IRMf), qui permet de visualiser avec une précision de plus en plus fine, les zones actives de notre cerveau lorsque nous agissons, pensons, parlons, rêvons, et surtout, quand nous entrons en contact avec une personne, une nouvelle discipline a pris naissance dans les années 1990 :
la neuroscience sociale.
Nos neurones ont absolument besoin de la présence physique des autres et d’une mise en résonance empathique avec eux. Les relations cybernétiques, SMS, Internet, ou autres contacts virtuels ne leur suffisent pas.
Comment nos neurones «attrapent» les émotions des autres?
Au moindre échange émotionnel avec autrui, a lieu un incroyable faisceau de réactions en cascade dans notre système nerveux central. Ce qui lui fait dire que nous «attrapons» les émotions des autres, comme on attrape des virus, en positif comme en négatif.
Sitôt que nous entrons en relation avec quelqu’un, des millions de nos neurones cherchent, littéralement, à se connecter à ceux de l’autre. Notre cerveau n’est pas le même selon que nous trouvons notre interlocuteur plus ou moins sympathique, intéressant, drôle, excitant, ou stupide, mou, rigide, dangereux.
Des neuropsychiatres américains ont étudié beaucoup de couples – depuis l’amour fou jusqu’aux pires scènes de ménage.Sous le scanner IRMf, la neuro-anatomie d’un baiser révèle que c’est la totalité des aires orbito-frontales des cortex préfrontaux (COF) des deux amoureux qui se mettent en boucle. Le COF est une structure fondamentale du cerveau qui assure la jonction entre les centres émotionnels et les centres pensants, et qu’elle relie, neurone par neurone, le néocortex au bulbe rachidien : la mise en résonance provoquée par un baiser amoureux a des effets positifs profonds, soit une baisse de cortisol, indicateur du stress, une montée en flèche des anticorps.
Les mêmes effets se produisent quand les amants se regardent dans les yeux, même sans s’embrasser.
Les couples qui se disputent : effets négatifs sur leur santé
Une dispute conjugale si elle met les cerveaux des personnes en «phase» a des effets négatifs : la fonction cardiovasculaire entre en souffrance et les taux immunitaires baissent. Si les disputes se répètent pendant des années, les dommages deviennent cumulatifs.
Les neurones des femmes et des hommesLes neurones des femmes ont tendance à systématiquement passer en revue, ruminer, ressasser les derniers échanges relationnels (amoureux ou pas). En revanche, les hommes le font aussi, mais avec beaucoup moins d’énergie et de détails.
De l’avis des chercheurs, le cerveau de la femme est plus «social» que celui de l’homme, et conséquemment, plus dépendant de la qualité relationnelle de l’existence.
Cette notion nous permet de comprendre un peu mieux les différences de comportement entre les hommes et les femmes, et peut aider à améliorer nos échanges.
L’intelligence relationnelleDaniel Goleman compare les neurones miroirs à une «wifi neuronale». Il s’agit d’un mécanisme qui fait que notre cerveau, dès la naissance, «mime» les actions qu’il voit accomplir par d’autres comme si c’était lui qui agissait. Ou bien il se mime lui-même en imaginant une sensation ou une action, provoquant la même activité neuronale que s’il sentait ou agissait pour de bon.
Vus de l’extérieur, nous pouvons être immobiles et silencieux alors qu’à l’intérieur nos neurones «dansent» ou «jouent du piano».
L’intelligence relationnelle repose sur un processus très rapide. En moins de vingt millièmes de seconde, notre cerveau peut capter, simultanément, que la personne en face de nous a tel ou tel air, est plus ou moins sympathique, plus ou moins franche, qu’elle sent telle ou telle odeur, qu’elle est physiquement plus forte ou plus faible que nous, qu’elle est pacifique ou menaçante, qu’on peut lui parler ou pas, qu’elle nous plaît ou pas.
La mise en résonance des systèmes nerveux vaut pour tous les humains qui entrent en relation, qu’ils soient deux ou au-delà. Au travail, entre amis, en famille. Une foule baignant dans la même émotion représente une myriade de cerveaux se mettant au diapason – incarnation neuronale de la «passion unique».
Les neurones en fuseau (seuls quelques animaux en possèdent)
Les cellules nerveuses, très grosses, qui permettent une grande rapidité de réaction sur un grand nombre de plans simultanément s’appellent les «neurones en fuseau.»
En situation de survie, en fonction de la réponse de l’organisme, on pourra sourire à une personne ou lui envoyer un coup de poing ou se sauver à toutes jambes.
Les neurones en fuseau sont aussi importants que les neurones miroirs. Ils mettent en branle des processus archaïques qui se déroulent hors de toute conscience à la vitesse éclair d’un réflexe.
Cet archaïsme est récent. La plupart des animaux ne possèdent pas de neurones fuseau. Seulement chez les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outangs, les bonobos et les baleines … ces dernières en ont d’ailleurs plus que les humains.
On appelle aussi les neurones en fuseau les neurones de l’amour
Aimer quelqu’un c’est s’avérer capable de détecter chez lui d’infimes nuances dans l’expression de ses ressentis et éventuellement y répondre.
On aurait découvert quelques dix-huit façons de sourire.
Sourire est l’expression que le cerveau humain décrypte avec le plus de nuances et le plus vite : nos neurones préfèrent les visages heureux. En moins de vingt millions de seconde, nous pouvons tous reconnaître lequel des dix-huit sourires-type nous adresse notre interlocuteur et ainsi décrypter son ressenti et nous y adapter.
Voici une liste des différents sourires :
petit rictus figé de politesse
le sourire gêné
le sourire soulagé-pincé (signifiant «on l’a échappé belle»)
le sourire épuisé (de bonheur)
le sourire sadique
le sourire fatigué
le sourire excédé
le sourire endurant (personne qui prend son mal en patience)
le sourire diplomatique
le sourire extatique
le sourire caricatural (imiter grossièrement la joie)
la façon préoccupée (comme l’inventeur en train de créer)
manière méprisante
manière simulée
manière ravie (devant un bébé qui nous émeut)
manière chaleureuse (pour encourager autrui dans une action)
manière méditative (à la manière de Bouddha)
ou enfin, amoureuse (mélange d’extase, ravissement, chaleur et excitation)
Si on généralise nos formes d’expression et de sensorialité verbale et non-verbale, on aboutit à ce qu’on appelle «l’empathie». Sans cette rapidité et cette subtilité de décodage de l’autre, l’empathie serait impossible.
Sans nos neurones en fuseau, nous ne serions pas humains.
La «voie basse» de l’intelligence relationnelle ne passe pas par la réflexionCette communication ultra rapide et multiniveaux constitue ce que les neurologues nomment la «voie basse de l’intelligence relationnelle», c’est peut-être l’intuition et peut-être aussi la télépathie (qui se nourrit de détails infimes entre personnes en relation affective forte).
Cette «voie basse» ne fait pas de compromis ni de diplomatie. Laissée à elle-même, elle peut s’avérer grossière et sauvage (donc, inhumaine), réagissant face à l’autre en «j’aime/je n’aime pas.»
La «voie haute» de l’intelligence relationnelle – cerveau civiliséLa «voie haute», l’autre pilier cortical, (contrairement à la basse qui réagit sans réfléchir) commence par la réflexion consciente. C’est notre cerveau civilisé.
La «voie haute» est beaucoup plus lente, mais plus riche, sophistiquée que la basse, faisant intervenir la mémoire, les valeurs, les croyances, la culture de la personne.
Elle fonctionne à coups d’hésitations, mais elle s’avère flexible et multifonctionnelle.
Une personne équilibrée fait coopérer la lente intelligence réfléchie de sa «voie haute» et les fulgurantes intuitions de sa «voie basse».
Nous vivons cette coopération en permanence, avec des courts-circuits généralement inconscients (qui sont des refoulements.) Exemple : les neurologues constatent qu’au cinéma notre «voie basse» réagit comme si le film était vrai – avec bonheur et terreur selon le scénario – et que notre «voie haute» doit exercer un contrôle tyrannique pour que nous restions sagement assis dans notre fauteuil au lieu de participer à la scène ou nous sauver.
Suite à l’observation de l’intérieur du cerveau, les chercheurs ont pu constater que les relations harmonieuses (entre conjoints, entre enfants et élèves, entre soignés et soignants) mettent tous les chronomètres neuronaux des personnes en phase, dont il en résulte un meilleur métabolisme, peut-être accru d’un bonheur supérieur.
L’altruisme est un instinctLa plupart des chercheurs et praticiens qui travaillent actuellement sur ces questions aboutissent au constat que l’altruisme est un instinct. Pourquoi? Schématiquement, parce que nous ressentons, en nous-mêmes, la souffrance de l’autre, et qu’en le secourant, nous cherchons fondamentalement à nous soulager nous-mêmes.
Ce ne serait pas un souhait moral, mais plutôt une observation neuronale!
Malheureusement, de nos jours, nous vivons dans des conditions qui bloquent notre altruisme ou le détournent. Dans notre cerveau, les «neurones» qui ressentent l’autre côtoient les neurones moteurs, qui permettent d’agir ; ainsi, lorsque nous ressentons de la compassion pour quelqu’un, notre sollicitude devrait tout de suite pouvoir se traduire par une action.
Or, cette mise en action est aujourd’hui bloquée de plusieurs façons. Premièrement, nous sommes bombardés d’informations négatives et tragiques par les médias qui ne nous permettent pas d’agir, sinon de façon détournée, comme envoyer un chèque à une ONG ou en signant une pétition. La plupart d’entre nous vivent dans des grandes villes, où la densité des contacts est telle qu’il faudrait être un saint pour répondre à toutes les invitations à la compassion que nous recevons en permanence. De plus, même avec nos amis et nos proches, nous sommes de plus en plus en relation par l’intermédiaire de machines, qui ne permettent pas l’expression physique immédiate d’une compassion. Or, nos neurones ont besoin de contacts directs, physiques et sensoriels.
Notre cerveau n’a pas fini de nous étonner!
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Mots clés : neurones,émotions
Article retenu par Théranéo pour la
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