Le temps s'écoule-t-il de la même manière pour tout le monde, ou est-il variable en fonction de l'âge ?
Le temps ressenti. Le temps a toujours inspiré les poètes et les philosophes mais il y a aussi le temps des scientifiques qui ont découvert qu’il ne s’agissait pas d’une constante mais d’un facteur qui varie avec la vitesse et la masse.
C'est ainsi qu'ils nous apprennent que le temps n'étant pas le même à la surface de la terre et dans l'espace, ils sont obligés de tenir compte de ce décalage, infime à notre échelle, pour éviter une erreur de plusieurs dizaines de mètres dans le positionnement GPS s'ils ne le corrigeaient pas.
Mais il y a peut être aussi un temps physiologique et ce que l'on pourrait appeler la notion ressentie du temps.
Pour les scientifiques la notion de temps n'est qu'un paramètre variable parmi d'autres dans leurs équations. Pour le commun des mortels ce n'est qu'une mesure, un mode de comptage mathématique, ayant pour référence des données astronomiques telles que la durée de la révolution de la terre autour du soleil, qui rythme notre vie et que nous avons découpé en sous unités (mois, jour, heure, etc.) afin de pouvoir synchroniser nos actions.
Cette manière d'appréhender le temps correspond à une courbe linéaire sur laquelle nous nous situons en fonction du moment.
Pourtant si l'on se place à l'échelon du vivant on peut envisager une autre progression du temps, qui elle ne serait pas linéaire, et que l'on pourrait appeler le temps ressenti.
Comment expliquer que nous ressentons de manière très différente le temps qui passe, selon la période de la vie dans laquelle on se situe ?Souvenez-vous de votre enfance : ces grandes vacances qui n'en finissaient pas, ces Noëls que l’on redécouvrait chaque année tant le souvenir de l’ancien s’était éloigné. Regardez maintenant la vitesse à laquelle passent les étés lorsque l'on devient adulte et combien les Noëls se ressemblent et reviennent vite. Le temps mesuré est strictement le même, quelques douzièmes d’année, et pourtant le ressenti est tout autre. On pourrait donc considérer que la progression du temps n'est pas la même pour tous, et que la durée qui sépare deux repères temporels varie selon l'âge que l'on a.
Envisageons le cas d'un bébé de un ou deux ans. L'enfant s'éveille au monde extérieur et le nombre de découvertes et d'apprentissages qu’il peut faire en une journée ou en une semaine est considérable, son acquis croit à très grande vitesse tout comme son corps qui se modifie très vite.
Envisageons maintenant un adulte de 50 ans (sans tares ni pathologies particulières), le nombre d'acquisitions nouvelles qu'il fera en un jour ou une semaine, même s'il possède une activité très enrichissante, sera ridiculement faible par rapport à ce que le bébé est capable d'assimiler pendant la même période.
Si l'on tient pour seule échelle de temps, la quantité d'acquisitions nouvelles enregistrées, on peut dire que l’unité de temps du bébé (ou de l'enfant) est beaucoup plus importante que celle de l'adulte de 50 ans, tant il acquiert d’éléments nouveaux au cours de cette période par rapport à ce que peut acquérir son aîné pendant le même temps.
C'est peut-être ce qui nous fait ressentir le temps qui passe plus lentement lorsqu'on est enfant que lorsqu’on est adulte.
En un an, un enfant accumule une foultitude de données à partir desquelles il peut bâtir sa propre personnalité et si l'idée lui vient de regarder en arrière, il peut mesurer la longueur, donc la durée, du chemin parcouru en un an, au nombre d’acquisitions nouvelles engrangées pendant cette période.
Demandons à l’adulte de 50 ans de se livrer à cette expérience. Quel chemin aura-t-il parcouru en un an ?
Sauf circonstances particulières, il n’aura accumulé que peu d’acquis réellement innovants et suffisamment importants pour modifier en profondeur son comportement, tant psychique que physique. S'il regarde le chemin parcouru et s'il conserve comme étalonnage du temps la quantité d'acquisitions nouvelles comme cela se passait lorsqu'il était enfant, on peut estimer que les acquisitions nouvelles étant relativement peu nombreuses, le « temps » lui semblera très court, alors que pour l'enfant, une durée d'un an parait très longue car il subit de nombreuses modifications ou mutations au cours de cette année.
Il faut également pouvoir considérer le rapport existant entre la durée d’un événement, et la durée totale de la vie de l’individu à ce moment là.
Une période de un an chez un enfant de cinq ans représente un cinquième de sa vie ; chez un sujet de cinquante ans la même période n’en représente qu’un cinquantième. Il est bien évident que ces deux quantités de temps pourtant identiques en chiffres (douze mois), seront ressenties de manière très différente selon que l’on a cinq ou cinquante ans.
Alors pourquoi n'utiliserait-on pas pour mesurer le temps du vivant, non plus des échelles linéaires arithmétiques mais une fonction logarithmique qui permettrait de varier le temps au fil des ans, et donc de l’adapter à l’âge de l’individu.
Le temps n'ayant plus la même durée pour tous, les concordances seraient bien sûr très difficiles à établir : une année d'un enfant de cinq ans correspondrait peut-être à trois ou quatre années d’un adulte de 35 ou 40 ans. Ce serait une jolie pagaille !
Il est donc probable, et même très vraisemblable, que nous conserverons encore longtemps des repères fixes pour le temps, auxquels chacun devra se soumettre.
Il n'en demeure pas moins que la notion du temps ressenti varie avec l'âge et qu’il serait très agréable de pouvoir envisager la progression du temps selon une échelle logarithmique et non plus linéaire.
Ce bavardage peut sembler futile, cependant il faut savoir que chez les mammifères, l'horloge centrale est située dans les noyaux supra chiasmatiques de l'hypothalamus (région centrale du cerveau qui coordonne et commande le fonctionnement de notre corps à l'aide, entre autres, des hormones). Cette horloge n’est sans doute pas une entité uniforme mais plutôt le coordinateur d'un ensemble d'unités distinctes et interconnectées. Son rythme est très influencé par l'alternance jour/nuit mais conserve cependant une rythmicité propre même en l'absence de ces repères.
Très récemment, des chercheurs ont montré que les neurones (cellules nerveuses) qui constituent les noyaux supra chiasmatiques n'avaient pas une activité homogène. Certains d’entre eux ont une activité qui diffère de celle de leurs voisins. Notre cerveau aurait il plusieurs moyens de coder le temps ?
Les scientifiques nous apprennent aussi que les variations du taux de la dopamine, qui est un des neurotransmetteurs du cerveau, influencent la perception que nous avons du temps. L’âge agissant sur le taux de cette hormone, cela pourrait peut être expliquer que le temps passe plus vite en vieillissant.
Pour les philosophes anciens comme Aristote, le temps n'existe ni absolument, ni absolument pas, car hier n'existe plus, le présent à peine passé n'existe plus non plus, et le futur n'existe pas encore.
La question est très complexe et les avis souvent contradictoires, pour certains la question se pose de savoir si le temps existe de manière indépendante, ou seulement en tant que concept construit par l'homme. Pour certains encore, le temps s'écoule uniformément, il est donc indépendant de toute référence, pour d'autres, le temps est défini par ce qu'en font les phénomènes alentours, et il en est pour qui, ce n’est pas le temps qui passe mais nous qui passons dans le temps alors que ce dernier est immuable !
A l’époque de Socrate, et même de Bergson, le temps était considéré comme une valeur linéaire constante, alors que l’on sait maintenant que le temps est une valeur variable fonction (entre autres ?) de la vitesse et de la masse.
Leurs écrits sont donc, peut-être, à réévaluer en tenant compte de ces données nouvelles.
Mais quels que soient les éléments de réflexion, on peut parier que le temps passera toujours trop vite pour l’homme.
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Mots clés : temps,perception
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