“Je laisse être ce qui est, je laisse venir ce qui vient, je laisse partir ce qui part. De plus en plus, et, j’espère, de mieux en mieux. Un jour ma respiration me quittera, elle aussi… et pour cet examen final-là, j’ai intérêt à bûcher un max, encore ! “Didier de Buisseret est l'auteurCela fait un certain temps que j’ai envie d’écrire à propos de l’acceptation. Longtemps, j’ai eu du mal à appréhender cette notion qui me semblait rimer avec résignation. Examinée du seul point de vue mental, il est tentant d’y voir une forme d’abdication, de soumission, de fatalisme ou d’apathie.
L’acceptation activeSi je m’accommode de plus ou moins bonne grâce d’une situation parce que je suis impuissant à la modifier, ce n’est pas de l’acceptation mais plutôt un non camouflé en oui, signifiant que je pense ne pas avoir le choix, que je subis et me pose en victime.
Or, l’acceptation est tout sauf une attitude passive ou un choix imposé.
La résignation, c’est quand je renonce à agir sur une situation alors que j’ai pourtant une emprise possible.
L’acceptation, c’est quand je lâche prise face à une situation que je ne peux changer, quand je réalise qu’il ne sert à rien de lutter.
L’exemple le plus clair est le décès d’un proche : certains continuent à vivre dans le passé, dans le souvenir permanent du disparu, et à souffrir de cette perte au point de ne plus retrouver goût à la vie. D’autres, tout en ressentant une tristesse légitime au moment de la perte, ne ressassent pas le passé et font choix de vivre dans le présent, sans oublier pour autant le défunt.
Accepter c’est prendre acte, avec sérénité, d’un état de choses contre lequel on ne peut rien. Mais être dans l’acceptation ne signifie pas pour autant renoncer à toute action. Ainsi, accepter d’avoir perdu son emploi ne signifie pas renoncer à faire ce qu’il faut pour en retrouver un autre. Accepter une maladie n’implique pas de renoncer à suivre un traitement curatif. Accepter qu’il y ait de la souffrance autour de soi n’empêche pas de proposer son aide aux personnes en souffrance…
La personne qui dit « oui » à ce qui ne peut être changé, qui n’est pas inutilement en lutte, aura d’ailleurs une plus grande capacité à percevoir ce sur quoi elle a une prise et elle conservera de l’énergie pour changer ce qui peut l’être. « Personne ne peut diriger le vent, mais on peut apprendre à ajuster ses voiles ».
Les attentesIl n’est pas toujours facile de savoir quand il faut agir et quand est venu le moment d’accepter. Pour moi, une fois que j’ai fait ce que je pensais devoir faire, que j’ai créé le « terreau le plus fertile possible » en vue de la survenance d’un événement positif (par exemple : étudier pour réussir un examen), c’est là que je peux lâcher prise quant aux conséquences de mon action et accepter ce qui en découlera. Le fameux « advienne que pourra »…
Cela implique-t-il que je doive être sans attente quant au résultat de mes actions, que je doive me détacher de toute espérance ? Je ne le pense pas car, selon moi, il est illusoire de vouloir n’avoir aucune attente : si j’ai étudié pour un examen, c’est bien parce que j’espère le réussir. J’ai donc cette attente – parfaitement légitime – et dire l’inverse serait occulter ce que je ressens, ce serait me mentir à moi-même.
C’est tout l’essence du Tantra : plutôt que de réprimer ou de nier que je ressente cette attente, j’irai m’y confronter, sentir en quoi elle est juste ou non (cfr le même processus avec la jalousie). Et, si cette attente devait être déçue, je tâcherai d’accueillir cette déception, d’être dans l’acceptation que mes efforts ou mes tentatives n’ont pas été couronnés du succès espéré (ce qui n’empêche pas de tenter de comprendre la raison de mon échec, pour faire mieux une éventuelle autre fois).
La non-dualitéTelle que je l’ai présentée jusqu’ici, l’acceptation est une forme d’intelligence adaptative face à une situation ponctuelle, avec un côté très pragmatique : à partir du moment où une émotion (colère, frustration, tristesse…) ne sert plus à modifier positivement une situation, il faut savoir passer à autre chose avant qu’elle devienne plus un frein qu’un moteur. C’est une explication facile à comprendre pour le mental. Mais la véritable acceptation va au-delà de l’intellect et ne peut s’appréhender que sur le plan spirituel. C’est un état d’être permanent (et non une attitude ponctuelle face à un événement ponctuel), une façon de s’ouvrir à la vie.
Pour comprendre l’acceptation de façon intuitive (et non mentale), il est souhaitable d’avoir saisi le concept de non-dualité. La non-dualité signifie que tout est relié : il n’y a pas de séparation entre moi et les autres, entre moi et la nature. L’homme réalisera sa vraie nature à partir du moment où il aura la compréhension intime qu’il ne fait qu’un avec la totalité.
Cette absence de séparation entre moi et le reste de l’univers a pour conséquence que la notion-même d’opposition entre moi et autre chose devient absurde et sans objet. Ainsi que le dit Osho : « Ne créez pas de distance entre vous et le réel. Il n’y a pas d’opposition entre vous et la réalité. Vous en faites partie, donc il n’est nul besoin d’aucune lutte, d’aucun conflit ni d’aucune opposition quelconque à la nature ».
Si je ne vois pas la vie comme séparée de moi, si je fusionne avec elle, nulle peur à avoir, la vie ne pourra qu’être bienveillante à mon égard.
Confiance en la vieL’acceptation est donc avant tout un acte de confiance dans la vie, quasiment un acte de foi. C’est être dans la conscience que l’énergie de vie va toujours dans le bon sens : « Vous ne devez pas nager mais suivre le courant de la rivière et laisser la rivière vous emmener où qu’elle aille, parce que finalement chaque rivière atteint l’océan. Inutile d’être tendu ou soucieux, vous atteindrez l’océan » (Osho).
Certaines personnes sont révoltées en permanence contre tout, dans une sorte de révolte existentielle. L’acceptation, c’est l’inverse : c’est s’abandonner à la vie et lui faire confiance, en renonçant à rechercher un illusoire contrôle. Mais il est possible d’être dans cet état d’acceptation existentielle tout en se révoltant ou se rebellant contre des situations inadmissibles, ou s’indigner comme l’a fait Stéphane Hessel (cfr. son manifeste « Indignez-vous ! »).
Parfois, nous avons l’impression de subir des épreuves injustes ou dont le sens nous échappe. Pourtant, rien ne survient par hasard et, même si ce qui nous arrive ne correspond pas à ce que nous désirons en ce moment, l’acceptation c’est accueillir l’idée qu’en dépit des apparences, la situation est en harmonie avec notre chemin de vie. Pour peu que l’on sache le voir, il y a un cadeau (parfois bien) caché dans chaque épreuve, un sens à chaque chose : la perte d’un emploi peut conduire à de nouvelles opportunités, une épreuve ou un deuil peut être l’occasion de grandir, une maladie peut amener à prendre du recul sur sa vie, une séparation amènera à des nouvelles rencontres…
L’acceptation d’événements douloureux ne nous procurera pas par magie une quelconque joie – qui serait d’ailleurs incongrue-, mais nous permettra, malgré la tristesse, d’accéder à de la sérénité. Cette paix intérieure a pour vertu de ne pas nous enfermer définitivement dans la tristesse et de nous permettre par après d’avoir la possibilité de nous laisser à nouveau toucher par la joie.
Laisser être ce qui estLe terme d’acceptation est souvent mal compris et peut-être faudrait-il lui préférer celui d’accueil. Accueillir la vie telle qu’elle vient, inconditionnellement, et laisser les événements et les gens être ce qu’ils sont, sans chercher à les changer. Ainsi que l’écrit Eckhart Tolle : « Laissez la Vie tranquille. Laissez-la être ».
Il ne s’agit pas de réussir à tout prix à apprécier un événement, de lui trouver un sens ou une signification. Accueillir un événement c’est le recevoir comme il est, sans le confondre avec l’interprétation que notre mental voudrait lui donner.
L’acceptation sur le plan spirituel ne s’applique pas qu’aux événements « extérieurs » mais porte également sur soi-même (même si du point de vue de la non-dualité cette distinction entre intérieur et extérieur n’a plus beaucoup de sens). S’accepter soi-même inconditionnellement, accueillir avec bienveillance les parts de soi que l’on aime le moins, est une des choses les plus difficiles qui soit. Un long travail de réhabilitation est souvent nécessaire.
Cette capacité à laisser faire sa propre nature, à ne pas l’entraver ni lui faire obstacle, c’est la spontanéité (voir l’article sur la Spontanéité). Être naturel, c’est être connecté à sa nature profonde.
Être spontané implique donc d’accepter sa nature et de ne pas lutter contre elle, comme l’explique Krishnamurti : « En définitive, quand nous luttons, le conflit se situe entre ce que nous sommes et ce que nous devrions ou voudrions être. Sans avancer d’explications, demandons-nous s’il est possible de comprendre l’ensemble de ce processus de lutte, de sorte qu’il prenne fin. L’esprit peut-il s’abstenir de lutter, comme ce bateau qui se laisse porter sans effort par le vent ? La question, c’est celle-ci, bien sûr, ce n’est pas de savoir comment atteindre un état exempt de toute lutte. L’effort même pour parvenir à un tel état est en soi un processus de lutte, cet état n’est par conséquent jamais atteint. Mais si vous observez d’instant en instant comment l’esprit se laisse piéger dans des luttes sans fin, si vous vous contentez d’observer le fait sans vouloir le modifier – sans imposer à l’esprit un certain état que vous appelez la paix – vous constaterez alors que l’esprit cesse spontanément de lutter ».
La résistanceL’inverse de l’acceptation, c’est la résistance, le refus d’admettre ce qui est. C’est aussi très souvent le refus d’admettre que ce qui était n’est plus, que la vie est en perpétuel mouvement et que rien n’est permanent. Une cause majeure de notre souffrance est en effet la difficulté à admettre le changement, que ce soit l’évolution d’une situation ou d’une relation, le fait que notre corps vieillisse, que nous sommes mortels… C’est cette volonté de s’agripper à un passé qui ne reviendra pas qui cause la souffrance et empêche d’accueillir le présent et ses cadeaux cachés. Selon Bouddha, « le changement n’est jamais douloureux. Seule la résistance au changement l’est ».
Et plus on résiste, plus la souffrance s’accroît (voir l’article sur la souffrance). Dans ce cas, l’acceptation ne viendra le plus souvent qu’à l’issue d’un processus, qu’il soit de deuil ou de nature thérapeutique (voir les articles sur le Processus de guérison et Pardonner), au moment où je ne me demande plus « Qu’ai-je fait pour que cela m’arrive à moi ? », où je ne cherche plus à conserver un contrôle total de ma vie.
Ce moment de transition intérieure entre la résistance et l’acceptation, ce passage du « non » au « oui », c’est le lâcher-prise.C’est à ce moment où je lâche, où je ne cherche plus à me battre contre des moulins à vent que la guérison intérieure survient et où la lutte fait place à la sérénité.
C’est ce qu’illustre ce dicton connu :
« La tête dit : « Lorsque tout sera en place, je trouverai la paix », alors que le cœur dit : « Trouve la paix et tout se mettra en place ».
© Marianne NYS
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/nys
Mots clés : résistance,acceptation
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