La Terre
Je suis la terre d’un jardin. Je suis nourricière, aimée et choyée.
Le soleil me réchauffe, l’eau s’insinue en moi jusqu’à me rendre toute molle, la sécheresse me fait craqueler, le gel me fige dans mon immobilité.
Le meilleur, c’est le printemps ! J’aime sentir la bêche sur jardinier me labourer, me retourner, comme je respire ! S’ajoute à moi une autre terre brunâtre, nourrissante, vivifiante. On s’entremêle pour ne former qu’une terre, dans laquelle sont semées des graines de toutes sortes, des bulbes et des oignons. Je sens, au fil des jours, ces graines germer en silence, bien à l’abri dans mon obscurité. Je les protège, les garde au chaud, je les berce, je les aime, je leur parle doucement, ce sont des bébés plantes.
Mes bébés deviendront grands, assez forts pour percer ma fine couche les séparant de l’air et pousser alors vers la lumière, s’élever, verdir, fleurir, donner généreusement leurs fruits et légumes pour nourrir d’autres êtres vivants.
Moi, je garde leurs racines au chaud, je les fortifie, je les nourris aussi.
L’été, j’ai chaud, je sèche, l’arrosoir du jardinier m’abreuve chaque soir. Je garde l’eau plus enfouie en moi, pour mes enfants qui ont tant soif durant ces longues journées ensoleillées.
Parfois, un orage éclatte et la pluie, ou même la grêle, vient me cribler brutalement. Je n’en souffre pas, je suis dure et solide.
A l’automne, mes enfants-plantes s’endorment, ils ont achevé leur cycle. Je garde au chaud leurs graines, qui seront mes bébés au printemps suivant. Des feuilles mortes me recouvrent. Rouge, orange, jaune, j’ai droit à un bel habit flamboyant dont je suis fière !
Sous la pluie plus froide, mon manteau brunit, il s’ajoute à ma croûte supérieure, ainsi va le recyclage des végétaux du monde depuis la Nuit des Temps.
L’hiver est là, froid, humide. Je m’endords, paisible, sereine. En mon sein hibernent des graines, des larves, des oeufs d’insectes, des petits animaux dans leurs terriers. Je les protège de toutes mes forces.Il fait froid au-dessus de ma croûte mais c’est encore doux dans les profondeurs.
J’attends le renouveau, le soleil, les oiseaux et les papillons. Je rêve d’eux alors que la neige me recouvre dans un long silence ouaté. J’ai chaud alors ainsi enveloppée dans mon manteau blanc et scintillant.
Chut ! Je m’endords !
Véronique LESUEUR-RIBIER
Le Feu
Je suis un petit feu de bois encerclé de pierres. Celles-ci sont noircies à force de m’empêcher de m’étendre mais je les tolère plutôt bien. Une main humaine rajoute de temps en temps une bûche ou du bois mort sur moi. Je crépite alors de plaisir, mes flammes vont lécher ce bois tout sec, tout neuf. Elles l’entâment, font durer le plaisir, il ne s’agit pas de tout consumer d’un coup, ma vie pourrait s’en trouver abrégée plus vite que je ne le souhaite !
Ici, là où je brûle, on s’occupe pourtant bien de m’approvisionner, je peux ainsi brûler sans discontinuer pendant des jours et des nuits. Ah ! Certaines nuits, la bûche est consumée avant le réveil des humains. Je survis alors à l’état de braises, je rougeoie d’agacement, “ils” m’ont oublié dans leur sommeil, alors que moi, je dois les protéger !
Parce que ma lumière éclaire leur abri, une grotte sèche et fraîche, par l’entrée de laquelle le vent s’engouffre parfois violemment. J’éclaire des peintures sur la roche, des objets en bois ou en os ou taillés dans la pierre, j’éclaire des peaux douces d’animaux, et une famille d’humains, des grands et des petits.
Je suis ce qui leur est le plus précieux. Parce que grâce à moi, les animaux sauvages n’osent pas s’approcher. Mon mystère et ma brûlure leur font peur.
Je brûle donc vacillement, je m’amuse avec mes flammes que je fais danser dans tous les sens. J’aime, selon le bois que je dévore, changer mes couleurs : de bleu incandescent, à jaune comme le soleil, rouge comme les chairs que je rôti, blanc comme les éclairs. Et même ces couleurs ont en elles-mêmes plusieurs nuances chacune ! Ces couleurs me rendant joyeux !
Lors de cérémonies, je reçois des herbes , des encens, elles brûlent et se transforment en fumées odorantes qui embaumement toute la grotte.
Lors des repas des humains, je cuis les viandes, l’eau se met à bouillonner, la transformation est mon pouvoir !
Je suis fougueux, courageux, j’inspire la crainte comme le respect. On ne peut me caresser, on ne peut mes saisir ni me posséder. Je peux m’éteindre à un endroit et renaître à un autre endroit. Mon Esprit ne meurt jamais, il est en suspens dans l’Univers, une force, une volonté, il suffit d’une étincelle et je réapparaît, je suis re-créé, et je créé moi-même.
Je suis un esprit libre et dépendant à la fois. Je suis un esprit rassurant et dangereux à la fois.
Je peux réchauffer comme tout détruire en quelques secondes !
Pour l’heure, ici, dans cette grotte, ce n’est pas ma volonté, même si je m’amuse à projeter des étincelles de temps en temps, pour signifier aux humains que je peux m’échapper quand je veux après tout, mais que je suis loyal et que j’accepte la mission qu’ils m’ont allouée : protéger et réchauffer leur foyer.
Véronique LESUEUR-RIBIER
L’eau
Je suis un ruisseau de montagne.
Mon eau est vive, claire et joyeuse. Je m’amuse à dégringoler la pente, à contourner les rochers arrondis par mon passage millénaire, à faire rouler les pierres dans mon sillage, à glisser dans un petit glouglou reposant et constant.
Des oiseaux viennent se laver dans une petite cuvette d’eau que je laisse exprès plus calme, juste approvisionnée par un filet d’eau douce et propre.
Des animaux comme une biche et son faon, une famille d’écureuils hardis, des lièvres doux, un renard filous, et même un couple de loups, viennent s’abreuver souvent de mon eau cristalline.
Mon eau est pure, elle vient d’une source dans le cœur de la montagne, elle a le goût des roches et des cristaux, elle a la puissance de la montagne en elle, elle a la douceur des mousses qu’elle a caressé sur son passage ; elle draine des feuilles mortes tels des petits radeaux, des morceaux de bois ballottés, des insectes vivants ou non ; elle voit naître des petites poissons , de tous petits êtres d’eau à l’état de larves ;
Mon eau est généreuse, limpide, elle pleure et rit à la fois, elle aime recevoir la pluie du ciel en son sein, pluie et neige qui me grossissent au fil de mon chemin vers le pied de la montagne.
Car tout en bas, je tombe en cascade du haut d’un rocher en surplomb. Je m’amuse du bruit assourdissant que cela produit en frappant une petite rivière qui coule en contre-bas.
Mon eau se mêle, se marie, à l’eau de cette rivière. Ensemble, avec amour, elles vont poursuivre une nouvelle destination, plus loin, vers un espace bien plus vaste, là où enfin l’eau n’a plus de limite. On l’appelle “l’Océan”.
Véronique LESUEUR-RIBIER
L’Air
Je suis le Vent, doux au printemps, orageux à l’été, humide à l’automne, froid à l’hiver.
Sans moi, le monde serait immobile !
Au printemps, je suis déjà au travail, avec sérieux, je cueille les graines des fleurs, les transporte délicatement pour les déposer sur la terre, plus loin. Ainsi, fleurs, plantes et arbres se disséminent au hasard, dans un joyeux désordre que la terre accueille avec bienveillance.
Sans moi, l’eau stagnerait .Les vagues sont nées de ma force, de mon souffle sur la surface des lacs et des océans. Ainsi la vie circule, grouille, bouge, se déplace sur toute la planète, dans l’eau et dans les airs et sur terre.
J’actionne le cycle de la vie, que je sois doux, chaud, venteux, agité, impétueux ou glacé.
Je joue à faire tourner les éoliennes, les moulins à vent, à faire cliqueter les carillons en bambou dans les jardins, à faire bruisser les feuilles des arbres, je siffle dans les conduits de cheminée. Je suis un musicien malicieux !
Parfois, je m’agite trop, je m’affole et emporté dans mon élan, je m’énerve, je gonfle mon souffle, les girouettes en perdent leur Nord, les tuiles des toits s’arrachent et vont s’écraser au loin, quelquefois des toits entiers de maison ! , des arbres craquent ou se déracinent sous ma violence, je ne veux pas faire de mal mais c’est plus fort que moi, tout s’emporte, je m’emporte et mon nom est alors “Tempête” ou “Ouragan” !
Heureusement, ces colères ne durent pas, elles se calment aussi vite qu’elle sont apparues, je m'essouffle, je ralentis.
Très vite, je retrouve des envies de jouer avec les sons, d’aller caresser les joues des enfants, d’aller porter des abeilles et des papillons jusqu’aux fleurs, d’aider les rapaces à planer juste en-dessous des nuages.
Je suis le premier et le dernier souffle de toute créature vivant sur terre. Je suis dans le cri d’un nouveau-né, je suis dans le souffle rauque d’un bison, dans le son d’une flûte, dans les paroles prononcées dans toutes sortes de langues des humains ; depuis la Nuit des Temps, je suis celui qui emporte les âmes vers un ailleurs mystérieux.
Je suis celui qui inspire des idées géniales, des rêves et des songes. J’imagine, je suis un visionnaire, un artiste, un rêveur, la planète est si immense que je ne m’ennuie jamais !
Je suis le Vent et j’aime la Vie !
Véronique LESUEUR-RIBIER
© Sylvain RIBIER
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