Marilou est une femme de 42 ans, sans enfant, aide-soignante en région parisienne. Physiquement, ce qu’on remarque immédiatement c’est sa maigreur, la pâleur de son visage et ses yeux très cernés. Elle semble
être recroquevillée sur elle-même, un peu voutée. Elle est adressée par son médecin traitant qui lui a proposé un arrêt maladie parce qu’elle est très fatiguée et déprimée.
Elle souhaite une aide thérapeutique même si elle a déjà fait cette démarche qui selon ses dires, n’a servi à rien.
Elle voudrait retrouver goût à la vie, trouver du plaisir dans son quotidien et se sentir mieux.Lorsqu’elle arrive en consultation, elle se dit en grande souffrance, elle pleure beaucoup. La possibilité d’être en arrêt de travail la rassure parce qu’elle n’est plus obligée de faire semblant vis-à-vis de ses collègues. Le traitement d’antidépresseur et d’anxiolytique qu’elle prend depuis des années ne semble plus être une aide suffisante et satisfaisante. Elle en a assez de répéter que la relation à sa mère est fusionnelle et qu’elle déteste son père. Elle n’éprouve que du dégoût pour lui. Elle ne comprend pas comment ses parents peuvent vivre ensembles sans s’aimer, « ça n’a pas de sens ». De 16 à 25 ans, elle a souffert d’anorexie et fait maintenant très attention de ne pas descendre sous un certain poids.
Selon Marilou, la raison de son mal être remonte à six ans, depuis qu’elle entretient une relation avec un homme de 15 ans son aîné, qui habite Lille et qu’elle ne voit qu’aux périodes des vacances scolaires. Elle dit ne pas être du tout satisfaite de cette relation. Régulièrement, elle se sent humiliée, agressée, écrasée par la personnalité de cet homme. Pourtant elle ne peut pas mettre un terme à cette relation sans ressentir une grande culpabilité alors elle est passive et subit.
Récemment, elle lui a demandé une pause et ne souhaite pas qu’il vienne aux prochains congés. Face à cette décision, elle ressent
une grande culpabilité. Il lui semble qu’elle lui impose son souhait, ce qui déclenche chez elle de l
’angoisse. D’autant, qu’il se fait de plus en plus insistant.
Son envie de mettre un terme à cette relation et l’impossibilité d’y arriver provoque chez elle une croyance d’emprise de la part de cet homme et de la culpabilité face à ses sentiments.
AnalyseMarilou montre donc
un état dépressif consécutif à une difficulté relationnelle.
L’ensemble des symptômes (fatigue, tristesse, anhédonie, perte de l’estime de soi, culpabilité) valide en effet un épisode dépressif et au moment de sa demande, il est consécutif à la difficulté de Marilou de mettre un terme à une relation amoureuse.
Les raisons pour lesquelles elle vient consulter montrent donc que
la souffrance dont elle parle concerne la sphère affective.On ne perd pas de vue l’ancienneté des troubles thymiques, la période d’anorexie, le traitement médicamenteux ancien et les multiples démarches thérapeutiques apparemment sans succès.
Marilou est venue à 5 séances individuelles. Nous n’avons pas eu le temps d’approfondir les ressorts inconscients qui l’amènent à s’obliger à vivre et surtout à subir cette relation. On peut quand même faire l’hypothèse que le conflit oedipien chez Marilou n’est pas résolu. En effet, au terme de ce conflit, l’enfant passe d’une relation d’objet duelle, (mère, enfant) à une relation d’objet triangulaire. L’autre peut émerger, et à travers l’autre la découverte et l’extension du champ social.
De son empêchement découle la persistance d’une relation duelle et une difficulté voire une impossibilité à créer une vie affective et sexuelle mature.
Il aurait été intéressant de pouvoir continuer ce travail thérapeutique afin de mettre en lumière les conflits entre pulsions et mécanismes de défense et ainsi comprendre le vécu plus archaïque de Marilou.
Mais même si ce travail a été court et n’a pas permis un travail en profondeur, ni un changement remarquable de sa personnalité,
la demande de Marilou a été satisfaite : elle se sent mieux et a repris son travail avec plaisir. Son médecin témoigne du bénéfice qu’elle a retiré des séances et remarque qu’elle est plus ouverte aux autres.Il est difficile de parler d’évolution thérapeutique sur 5 séances mais ce qu’on peut retenir, c’est l’amélioration que Marilou a pu ressentir rapidement et directement dans son existence.
Position du thérapeute et stratégie développée en Dynamique Emotionnelle .
Dans ce cas précis,
ma position de thérapeute en Dynamique Emotionnelle vise la
promotion du Moi pour que dans un premier temps, elle se sente moins écrasée par cette relation. Il n’est plus du tout question de « neutralité bienveillante » mais d’implication avec le patient. Si j’incarne l’implication le sujet en retour peut s’impliquer lui-même pour lui-même. Il peut devenir pro-acteur de sa vie et cesser d’être « le wagon passif du train de l’autre ».
Je lui propose de travailler : Ton désir ne m’oblige pas »
Je l’encourage à répéter cette phrase, je l’aide en élevant ma voix. Je l’incite à continuer, je la félicite, je lui montre que j’ai confiance dans toutes ces ressources. Je lui montre mon envie de l’aider.
Elle se met à rire de mon implication et remarque qu’elle n’a pas ri depuis bien longtemps. Ce premier entretien a permis de
créer un espace où le rire est possible. Mon envie de l’aider, mon implication permet de remobiliser l’envie du patient sur une autre scène.
Le réconfort, le support que je « montre », incarne, permet dès les premiers entretiens, une restauration narcissique. L’alliance thérapeutique permet cette restauration et dans le temps, permet de toucher à des positions parfois archaïques très douloureuses.
Je constate régulièrement que
l’humeur du patient devient positive. D’un seul coup, il y a une rencontre, une expérience humaine avec quelqu’un qui accompagne sans jugement, qui permet l’
expression de toute la gamme des émotions, qui écoute, comprend, qui tient compte de la souffrance, de la peine, des douleurs…
Quelque chose devient possible qui provoque un optimisme, une joie de ne plus se sentir seul. Ce regain, cet espoir est un passage important parce qu’il « ancre » l’envie de retrouver le chemin qui mène à soi.
La Dynamique Emotionnelle n’a pas pour but de faire ressentir de la joie juste pour ressentir de la joie mais la position thérapeutique d’accueil inconditionnel des sentiments du patient lui permet d’asseoir en lui la confiance dont il a besoin pour se « réparer » narcissiquement avant de pouvoir accueillir et accepter d’aborder des douleurs intenses.
La position particulière du thérapeute est certainement une stratégie propre à la Dynamique Emotionnelle et la référence qui montre que cette disposition est bénéfique pour le patient, c’est le temps :
Ce n’est pas l’espoir qui le guérit mais bien à long terme, cette perception intérieure qu’il y a quelqu’un avec lui.Dans le cas de Marilou, on ne parle pas de guérison mais d’amélioration remarquable et rapide.
© Valérie BERNIER
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/valerie-bernier
Mots clés : psychothérapie,émotion,mantrathérapie
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