Le voyage de Jean et VénusQuand je rentre, il a la tête tournée vers la fenêtre, il est seul.
La télé est allumée mais le son est à peine perceptible.
Je lui demande s'il veut bien que je reste un peu avec lui.
- Oui, tu peux rester, ça fait tellement de bien de voir de la couleur.
Très vite, je lui propose s'il veut faire un voyage et où il aimerait aller.
- J’adorais faire de la plongée et être dans les profondeurs.
Mon record est de quarante deux mètres!
- Wouah!! Et tu veux bien m'emmener en plongée avec toi?
- Oui, bien sûr !
- Tu sais Jean, pour apprécier encore plus le voyage… on doit fermer les yeux tous les deux sinon ça marche pas bien!
Aussitôt, il ferme les yeux, et nous voilà partis dans les eaux profondes de la Manche…
Il m’explique qu’après un certain seuil, il fait nuit noir, on n’y reste pas longtemps.
Après quelques mètres, nous voici à nouveau dans la lumière, éclairés par le soleil au-dessus de nos têtes, c’est magnifique! Un faisceau lumineux s’est aussi invité dans ces eaux salés, des poissons dont je ne connait pas le nom, nous tournent autour, mais on ne peux pas les attraper, ils sont trop sauvages.
De temps en temps, j'ouvre les yeux pour voir s'il est encore du voyage...
Et c'est les yeux fermés qu'il me raconte la douceur, l'émerveillement que cela lui procure, il sent son corps léger et sans douleur se mouvoir dans cette eau et cela lui fait du bien, tant de bien!
Il se laisse aller dans cet élément qu’il connais si bien. Il y est née. Il y a plongé des milliers de fois, déjà tout petit il s’y trempé au petit matin, accompagné de sa mère et de son frère.
Ce grand frère qui était marin pêcheur et qui un jour, a disparu en mer, on ne l’a jamais retrouvé. Il me raconte son chagrin mais aussi tous ses moments de grandes joies avec sa famille.
Puis, petit à petit, nous remontons ensemble à la surface.
- J’aimerai être un dauphin me dit-il, comme Flipper. Un dauphin des îles chaudes., c’est mon animal fétiche.
Des larmes coulent de son visage.
Avec douceur, je lui caresse le bras et l'invite à se laisser aller à ce qui vient.
Il me sourit.
Il me dit qu'il pense à toutes ces personnes, ses parents, ses frères et sœurs qui sont décédés et qu'il a aimés.
- J’aimerai partir là, tout de suite, car je ne veux pas que ma famille me voit comme ça.
- Et est-ce que tu as pu leur dire tout ce que tu voulais avant de partir?
- Oui, presque..
-
Aimerais-tu leur écrire?
- Oui, j'aimerais bien.
Je prends alors mes post-it cœur mais très vite je m'aperçois que cela ne va pas suffire, ils sont beaucoup trop petit! et il a beaucoup de choses à leur dire…
Je prends alors une photo de Vénus cartonné et grand format où il y a toute la place nécessaire derrière pour écrire ce qui lui tiens à coeur!
C'est une lettre d'Amour pour sa femme et ses enfants que nous sommes en train d'écrire.
C'est très beau et très émouvant!
-
C''est un beau cadeau que tu te fais et pour ta famille, un cadeau précieux!
- Oui, me dit-il en pleurant.
Je lui tends des mouchoirs.
- Tu peux finir la boîte si tu veux! Il rigole.
Nous restons silencieux un instant, un silence de gratitude et de partage pour ce beau voyage que nous venons de vivre., puis je lui dit que j'ai un cadeau pour lui.
J'ai un coquillage que j'avais ramené du Vietnam dans mon sac.
Cela me paraît tellement évident de lui offrir.
Il aime tellement la mer!
Je lui offre en lui disant qu'il pourra comme ça écouter à n'importe quelle heure le son de la mer et partir voyager dans les profondeurs.
Il met le coquillage à son oreille, ferme les yeux.
- Oui! c'est vrai Vénus, on entend la mer...!
© Carole BERNARD
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/carolebernard
Mots clés : accompagnement,clownal'hôpital
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