
Quant à l’Islam, l’art hermétique pénétra encore plus aisément son univers spirituel. Depuis toujours, l’Islam a été disposé, en principe à reconnaître tout art pré-islamique qui, sou s l’aspect de “sagesse” (hikmah), pouvait apparaître comme un héritage des prophètes antérieurs. Aussi, dans le monde islamique, Hermès Trismégiste est souvent identifié à Enoch (Idris). C’est la doctrine de l’unicité de l’être (wahdat al-wujûd) - interprétation ésotérique de la profession de foi islamique – qui permis à l’Hermétisme de trouver un nouvel axe spirituel, ou dirons-nous, qui lui rendit toute l’ampleur de son horizon spirituel.
A l’instar de toute tradition vivante, l’alchimie attirait vers elle tout élément apparenté à son propre “cosmos”, et c’est de cette manière qu’elle a fréquemment fait usage, au sein de ses expressions théoriques, de mythes et de symboles appartenant à d’autres traditions. Mais malgré cela, elle conserve toujours certaines caractéristiques, qui sont en quelques sortes la marque de son authenticité, dont le plan bien défini de l’œuvre avec ses diverses phases, décrites en termes artisanaux, et désignés par une suite bien précise de “couleurs”.
Nous constaterons, que l’alchimie a pénétré dans le Christianisme occidental par la ville de Byzance, et ensuite plus simplement par l’Espagne qui était soumise à la domination arabe. C’est d’ailleurs dans le monde de l’Islam que l’alchimie atteignit son développement le plus important. Jâbir ibn Hayyân, disciple du sixième Imam shiite Ja’far ac-Câdiq, créa, au huitième siècle une école d’où se rependit des centaines de textes alchimiques. C’est sans doute, parce que le nom de Jâbir était alors devenu la garantie de la véritable tradition alchimique que l’auteur de la Summa Perfectionis, au treizième siècle en repris le nom sous la forme latinisée de Geber.
Plus tard, avec la Renaissance, et la quasi invasion de la littérature grecque, une nouvelle vague de l’alchimie byzantine se répandit sur l’Occident. Au 16ème et 17ème siècle on vit apparaitre le développement de l’impression de nombreux ouvrages alchimiques, qui, jusqu’alors, n’existaient que sous la forme de manuscrits qui circulaient plus ou moins secrètement. C’est en partie grâce à cela que l’étude de l’Hermétisme pris beaucoup d’expansion pour cependant très vite entrer en décadence. D’ailleurs on a souvent considéré que l’apogée de l’Hermétisme européen avait été atteinte au 17ème siècle.
Pourtant, sa décadence avait déjà commencé au quinzième siècle et progressa rapidement sous l’influence du développement de la pensée occidentale tournée vers l’humanisme et déjà profondément rationaliste, ce qui privait de sa base toute doctrine ou toute méthode relevant d’une connaissance intuitive. Cependant, pendant un certain temps, juste avant l’époque moderne, des éléments de gnose véritable, qui avaient été rejetés par la théologie, et par le développement sentimental du mysticisme chrétien ainsi que la tendance agnostique de la Réforme, trouvèrent refuge dans l’alchimie spéculative. C’est sans doute à cause de cela que l’on peut trouver des influences de l’Hermétisme dans les œuvres de Shakespeare, de Jacob Boehme ou de Johann Georg Gichtel.
Par contre la médecine dérivée de l’alchimie survécu plus longtemps que cette dernière. Désignée par Paracelse sous l’appellation de médecine spagirique qui signifie “je divise” et “j’unis” ce qui correspond au solve et coagula alchimique.
D’une manière générale, l’alchimie occidentale à la Renaissance a un caractère fragmentaire ; il s’agit toujours d’un art spirituel, mais qui manquent de fondements métaphysiques. Il me semble important de préciser de façon très catégorique que l’alchimie de “libre pensée” hostile à la religion ne peut exister, tout simplement à cause la nécessité de tout art spirituel de reconnaître tout ce dont la condition humaine, dans sa prééminence et dans sa précarité, a besoin comme moyen de salut.
Que l’alchimie préchrétienne ait existée ne prouve pas le contraire ; parce que de tout temps l’alchimie a fait partie de façon organique d’une tradition englobant tous les aspects de l’existence humaine. Pour ce qui est des vérités, plus ou moins voilées à l’époque préchrétienne et qui ont été révélées par le Christianisme, l’alchimie ne pouvait faire autrement que les reprendre à son compte sous peine de disparaitre. C’est donc une erreur de penser que l’alchimie pourrait être une religion se suffisant à elle-même, ou un paganisme caché. Avoir ce type d’attitude paralyserait dès le point zéro tout effort vers le magistère intérieur. S’il est vrai que “l’Esprit souffle où Il veut” on ne peut de l’extérieur imposer à sa manifestation de limites dogmatiques ; pourtant IL ne “souffle” certainement pas là où Il est lui-même - le Saint-Esprit – volontairement nié dans l’une de ses révélations.
Je ne vais pas m’étendre plus longtemps sur l’historique de l’alchimie, qui d’ailleurs n’est pas connu de manière détaillée, pour une raison très simple que la transmission d’un art ésotérique ce fait en général de manière orale. Cependant, un dernier point ; le fait que les écrits alchimiques présentent souvent, en ce qui concerne leurs auteurs et leurs sources, des noms imaginaires, n’ayant aucun rapport avec la chronologie, n’enlève rien à la valeur des textes en question, car, hormis le fait que le point de vue historique et la connaissance alchimique n’ont rien à voir l’un par rapport à l’autre, ces noms (comme celui de Geber) ont pour objectif de donner l’indication d’une certaine “chaine” de tradition, plutôt que la signature de l’auteur. Enfin, l’authenticité d’un texte hermétique, à savoir s’il procède d’une véritable connaissance et d’une véritable expérience de l’art hermétique ou s’il a seulement été arbitrairement établi, est une question qui ne peut pas être résolue par la philologie et encore moins par la comparaison avec la chimie expérimentale ; le seul critère à retenir est l’unité spirituelle de la tradition elle-même.
A suivre : "langage et nature de l'alchimie"
© Jean-Claude THIMOLÉON JOLY
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Mots clés : alchimie, visions, religions, spiritualité
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