Avertissement : cet article s'appuie sur un livre d'A. Damasio, professeur en neurologie, sur mes connaissances et l'expérience que je tiens de mes accompagnements. Je tiens à prévenir les futures mères qu'elles ne doivent en rien culpabiliser d'une expérience insatisfaisante d'accouchement et qu'elles trouveront certainement ici des pistes pour transformer en force une blessure vécue. Le suivi médical d'une grossesse est toujours indispensable et mes propos ne concernent en aucun cas les grossesses pathologiques nécessitant un accompagnement approprié.IntroductionComme dans bien des livres, le sous-titre est souvent le plus important. « Corps, émotions, conscience » est le sous-titre du livre du professeur Damasio « Le sentiment même de soi ». Que peut-on apprendre d'intéressant dans un livre qui traite de la conscience étudiée du point de vue de la neurologie pour la compréhension de l'accouchement et de l'aide que cela peut apporter aux femmes ?
Je vais modestement vous démontrer les rapprochements possibles.
Tout d'abord, la conscience dont traite Damasio est la conscience corporelle (perception de l'état du corps) et la conscience étendue qui utilise la mémoire, celle qui nous donne « la faculté de créer des objets complexes, celle de comprendre les pensées d'autrui, de percevoir l'esprit collectif, de souffrir plutôt que de percevoir la douleur et d'y réagir, d'accorder de la valeur à la vie, de déterminer ce qui est bien et mal plutôt que de simplement percevoir du plaisir et de la douleur, prendre en compte les intérêts d'autrui et de la communauté, de percevoir la beauté au lieu d'éprouver du plaisir, de pressentir le désaccord des sentiments ou bien cette opposition des pensées abstraites qui est à l'origine de notre sens de la vérité » (p295). Il n'est pas question d'aborder la Conscience avec un grand C qui expliquerait la nature de l'univers, un dessein intelligent.

De plus, c'est en abordant la conscience corporelle qu'il est alors plus aisé de comprendre les phénomènes que produit l'état dans lequel se trouve le corps de la femme durant l'accouchement.
Par ailleurs, les sensations du corps produisent des émotions qui sont aussi un phénomène important dans la gestion de l'accouchement chez la future mère et qui déterminent même le bon déroulement du processus physiologique de la mise au monde de l'enfant.
Enfin, la conscience perçue comme une connaissance de soi, un sentiment de soi, est un des trois piliers fondateurs pour une naissance sereine et confortable.
En fait, si l'accouchement pouvait se résumer en trois mots, ce serait peut-être exactement le sous-titre de ce livre : Corps (sensations), Émotions, Conscience ! Cela résonne avec l'expérience d'un accompagnement en sophrologie existentielle qui travaille sur ces 3 piliers de l'individu.
La conscience incarnée selon Damasio : comprendre ce qui s'est joué lors du premier accouchementDe notre temps et de manière générale, la majorité des femmes occidentales ne s'en remet qu'au seul parcours de santé pour faire suivre leur grossesse et préparer leur accouchement. L'attention est donc principalement tournée vers le corps sur le plan médical.
L'importance des émotions et de la conscience de soi est bien souvent trop négligée. J'ai malheureusement et fréquemment reçu en consultation des mères et des couples pour qui la réalité des émotions vécues durant l'accouchement les a dépassés par manque de conscience et de connaissance de soi. Souvent, cette première expérience révèle à la mère la puissance du corps tant les contractions sont fortes et d'une intensité inconnue. Ces sensations sont si intenses et inconnues qu'elles les déstabilisent, les déséquilibrent, les désharmonisent. Le père, lui, peut se sentir désarçonné face à ce que vit sa compagne.
L'intensité des contractions rappelle à la mère d'une façon inédite la présence de son corps et, de fait, la conscience noyau dont parle Damasio se révèle à elle à la lumière de ses sensations surprenantes. Les sensations corporelles internes et externes, transmises comme une excitation nerveuse, inondent les zones du cerveau, elles sont responsables de la naissance des émotions qui se décuplent et font s'emballer le mental. C'est à ce moment que l'homéostasie nécessaire au bon déroulement de l'accouchement se déséquilibre. Et il y a bien mille nuances à mettre au tableau tant les expériences des mères sont uniques.
Cependant, il n'est pas impossible de percevoir tout de même quelques généralités et conditions à ce glissement d'un état de grossesse à la phase d'accouchement et d'un état de calme à un état de peur.
La peur de...Tout d'abord, c'est souvent cette émotion de peur face aux sensations que l'accouchement apporte qui provoque des tensions paralysant la physiologie de l'accouchement et augmentent la douleur perçue. L'accouchement amène la mère et le père, quand il assiste sa compagne, à sortir de leur zone de confort et à aller vers l'inconnu ; la mère pour sa première expérience n'a jamais connu l'intensité des vagues utérines et le père n'a jamais vu le corps et l'esprit de sa compagne dans cet état.
De plus, dans un environnement hospitalier, il est vite fait de laisser la main à l'équipe médicale présente et de se laisser désapproprier l'enfantement. Ce n'est pas toujours ce que les mères souhaitent et, plus tard, elles peuvent le regretter.

C'est à la suite d'une première expérience d'enfantement pas tout à fait satisfaisante qu'une mémoire autobiographique s'inscrit et qu'à chaque fois que le souvenir est remobilisé, un sentiment de soi à propos de l'accouchement s'intègre dans la conscience étendue, ce sentiment de soi constitué de l'estime de soi, de l'image de soi, de l'expression de soi...
Des croyances limitantes s'ancrent alors, comme :
Je ne sais pas accoucher seule
Je ne supporte pas la douleur...
Je ne suis pas à la hauteur…Des mécanismes de protection peuvent s'installer et une amnésie sélective s'opérer de façon inconsciente, mais les parents sont de nouveau exposés à se souvenir à chaque anniversaire de leur enfant.
Mais qu'en est-il quand une seconde grossesse s'envisage ? Et le conjoint, que vit-il ? Peut-être aussi du désarroi, un sentiment d'inutilité à venir en aide à sa compagne ? Tout s'inscrit dans la mémoire et ce sont souvent des mères et des pères au clair avec ce qu'ils ont déjà vécu, qui décident de ne pas se résigner à avoir la même expérience négative et à reprendre les rênes de leur histoire de naissance, qui s'engagent dans une préparation psychocorporelle à l'accouchement. Il n'y a pas de fatalité, la résilience est possible et chaque histoire de naissance est unique.
Mémoire traumatique et projection d'une nouvelle grossesse dans le futurLa conscience noyauDamasio n'explore pas le traumatisme de la conscience dans le sens d'un traumatisme psychologique mais bien au niveau fonctionnel et neurologique. Il observe des capacités de conscience altérées chez des sujets qui ont toutes diverses causalités (génétique, accidentelle...). Par ces observations, il décrit une conscience noyau qui est directement le fait des messages nerveux parvenant des récepteurs sensoriels de tout le corps ; cette conscience noyau permet de maintenir le système nerveux autonome, celui qui conserve la vie. Le patient victime d'un accident et qui perd cette conscience noyau ne parviendra pas à survivre sans assistance médicale.
La conscience étendue et le sentiment de soiLa conscience étendue, nécessaire pour vivre une vie ordinaire, nécessite que les fonctions de mémoires soient intactes, fonctionnelles et bien reliées à l'ensemble du cerveau, elles lui permettent la capacité d'avoir une mémoire autobiographique.
De plus, Damasio décrit comment, du point de vue neurologique, cette conscience étendue peut aussi être en partie altérée, menant des individus à ne plus reconnaître des visages, ou encore des voix, ou à n'avoir qu'une mémoire de travail. Damasio détermine que pour avoir un sentiment de soi, tous ces niveaux de conscience doivent fonctionner ensemble de façon optimale.
Mais encore, son travail neurologique est essentiel pour comprendre des traumatismes vécus qui impactent la mémoire autobiographique par le phénomène des amnésies traumatiques et le sentiment de soi altéré qu'elles peuvent alors engendrer. Un sentiment de soi dégradé par suite d'un premier accouchement traumatique est très commun chez les femmes que j'ai pu accompagner. Même si elles avaient déjà connu un début de résilience pour avoir la volonté d'amorcer un changement et réparer leur confiance en elles pour une nouvelle grossesse. La plupart d'entre elles voulaient se libérer de la peur qui est justement l'émotion qui empêche le déroulement physiologique de l'accouchement.
D'ailleurs, un médecin britannique, Dr Grantly Dick Read a compris que les femmes sans instruction qui accouchaient sans un bruit ne nourrissaient aucune peur. C'est alors qu'il émit l'hypothèse que la peur par anticipation des femmes plus aisées, dotées d'une instruction et d'un plus grand savoir, entretenait une angoisse qui perturbait leur système nerveux autonome. La production d'hormones de stress induite (catécholamines) a pour effet de contracter les muscles dans la nécessité de survie par le combat, la fuite ou même un état de sidération. Le travail utérin étant ainsi perturbé dans la durée et l'intensité provoque un arrêt ou un dysfonctionnement du processus naturel d'enfantement. Il appela ce syndrome : PEUR-TENSION-DOULEUR.
Un phénomène que décrit aussi le Dr Michel Odent, quoique différemment, avec cette notion de « débrancher » le néocortex pour ne plus mobiliser la mémoire autobiographique, là où se trouvent aussi des mémoires et des témoignages de naissances douloureuses, afin de ne pas générer de peur par anticipation. Il évoque souvent la nature mammifère des êtres humains et leur point commun qui est le besoin d'intimité pour donner la vie. Voilà ce que peut conquérir une femme qui veut traverser un accouchement avec calme et sérénité : transcender ses mémoires traumatiques, ses peurs et ses croyances limitantes.
La suite dans la partie 2
Gabriel VOISIN
Sophrologue Existentiel, éducateur en HypnoNaissance®
Merci à Mathilde COUFFRANT éducatrice en HypnoNaissance® pour son aimable relecture.
© Gabriel VOISIN
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/naitre-et-exister
Mots clés : accouchements, naissances, peurs, confiance, naturel
cet article vous a intéressé ? découvrez ma prestation en rapport | |
Autres articles de cette rubrique | voir tous