« Terrien, t'es rien ! »
Alors qu'il marchait dans la forêt, petit humain entendit :
- Terrien, t'es rien !
D'abord surpris, il essaya de repérer d'où venait cette voix.
- Terrien, t'es rien !
À chacun de ses trois pas, la voix retentissait à nouveau.
- Qui es-tu, où es-tu ? lança Teddy.
- Terrien, t'es rien ! fut la seule réponse à ses questions.
Petit humain poursuivit :
- D'accord, je suis un terrien, mais pourquoi me dis-tu que je ne suis rien ? C'est flippant et déprimant de n'être rien.
- Parce qu'en cet instant, tu crois que tu es le petit humain Teddy, qui marche dans la forêt pour tâcher d'oublier ses ennuis, sa peine. Pas vrai ? Tu cherches dans la forêt la paix que tu n'arrives pas à trouver en toi. Je vais plus loin. Là, quand je te regarde, je te vois identifié à tes peines.
Tu as le sentiment d'exister à travers elles. Tu es identifié à l'histoire du petit humain que tu crois être. Tu crois l'histoire que tu es en train de te raconter dans ta tête ou celle qu'on t'a racontée. Pas vrai ? C'est cela qui est angoissant et parfois déprimant pour ton petit "moi." Les choses n'existent que parce qu'on y croit. Comprends-tu, me suis-tu ?
- Non ! C'est quoi ces âneries ? Je suis bien Teddy et ce que je ressens est bien de la peine et de la
confusion.
- Je ne te dis pas que petit humain, en cet instant, ne ressent pas de la peine, je te dis simplement qu'en ce
moment, tu es scotché et identifié à ta peine.
Terrien, t'es rien ! reprit la voix.
Tous ses trois pas, la voix répétait inlassablement, encore et encore :
- Terrien, t'es rien !
Teddy, visiblement troublé, essayait de comprendre. Déjà confus, tout s'embrouillait davantage dans sa tête. L'esprit ouvert, curieux de nature, il essayait néanmoins de comprendre ce que cette voix tentait de lui expliquer.
Il sentait bien au fond de lui qu'il y avait là quelque chose d'important à saisir.
- Si je ne suis rien, qui suis-je ? ne cessait-il de se demander sans oser poser la question.
Plus loin, la voix poursuivit :
- Terrien, t'es rien ! Ce qui t'effraie est le "T'es rien", pas vrai ?
- Évidemment ! finit par clamer Teddy, son petit humain visiblement agacé que la voix ait lu en lui.
- Tu vois bien que je suis quelqu'un, un être humain. J'ai une identité, un corps, un prénom, un âge, un sexe, une histoire. Comment peux-tu dire que je ne suis rien ? Si je ne suis pas cela, qui suis-je alors ?
- Bien, voilà qui commence à être intéressant, c'est une bonne question, répondit la voix posément avant de continuer. Ce que tu décris, c'est ton identité, ta personnalité conditionnée de petit humain à laquelle tu es presque totalement identifié. Enfin, à laquelle tu étais presque totalement identifié, car tu es en train de prendre un peu de recul, de réfléchir. Ton petit moi égotique est tétanisé à l'idée de disparaître. Dès ta plus jeune enfance, tu as été conditionné à croire que tu étais le petit humain.
Et c'est là que beaucoup de tes malheurs ont commencé. Tu as commencé à croire que tu n'étais pas assez, à croire les nombreuses choses que tu as entendues sur toi comme "T’es nul, tu ne comprends jamais rien, tu n'arriveras jamais à rien, tu es trop sensible", mais aussi les compliments comme "Tu es un rayon de soleil, etc.
Le problème n'est pas tout ce que l'on t'a dit ou ce que tu as vécu, c'est que tu crois n'être que cela, ce qui parfois te fait souffrir, vrai ou faux ?
Petit humain acquiesce.
- Pourtant tu as ta conscience déjà bien réveillée.
Parfois, tu vois ton petit humain se débattre avec ses peurs, peines, croyances qui l'enferment, le limitent.
Tu le vois s'agiter du bocal, ruminer, ressasser. Tu l'observes et tu connais bien certains de ses
fonctionnements. Est-ce vrai ?
Petit humain acquiesce une nouvelle fois de la tête, sourcils dressés, visiblement intrigué.
La voix continue :
- Peux-tu observer la splendeur de ce grand arbre à côté de toi en restant scotché à lui ?
Teddy hoche la tête en signe de non.
- Pour l'observer, que vas-tu devoir faire ?
- Reculer.
- Oui c'est ça, tu vas devoir prendre du recul. Est-ce que quand tu observes l'arbre, tu deviens arbre ?
- Non bien sûr, je ne suis pas ce que j'observe.
- Content de te l'entendre dire, dit la voix, un sourire dans le timbre.
- OK, je sens bien qu'un nouveau chemin s'ouvre en toi, un nouveau possible. Mais j'entends ton mental qui ne cesse de frapper avec la même question : « Si je ne suis rien, qui suis-je ? Pas vrai ? » interrogea la voix avec un brin de taquinerie dans le ton.
- Bon ça va, alors toi qui sais tout, eh bien dis-moi : Qui suis-je alors si je ne suis pas juste le petit
humain ? Le mental de Teddy s'agaçait un brin, c'est normal !
- Je n'ai pas de vérité ou de réponse toute faite à te donner. Je peux juste te proposer une expérience pour que tu construises ta propre réponse. Je te propose simplement d'observer ce que cela change dans ta vie si, pendant un mois, tu choisis de t'identifier plus à ta conscience qu'au petit humain. Vois, pas à pas, ce que ce changement de paradigme crée dans ta vie comme nouveauté. Tu ne prends aucun risque à essayer.
C'est quelque chose que tu connais déjà. Que tu as déjà en toi, que tu as expérimenté dans tes premières semaines de vie, avant de commencer à construire ton illusion de séparation de d’avec la Source.
Tu as le choix et tu l'auras tout le temps. Soit tu crois et tu restes identifié à ton petit humain, soit tu
choisis d'être identifié à la Source, à la conscience, à la présence. Appelle cela comme tu veux, la nature, l'univers, ton être, la création, qu'importe.
Tu l’as déjà expérimenté de nombreuses fois. Ce sentiment de calme et de paix profonde, ce sentiment de "complétude" , de joie, cet état où tu sens bien, où rien ne te manque, est en toi et l'a toujours été. Sauf que plutôt que de t'identifier à cet état, tu continues parfois de t'identifier à ton petit humain. Ce n'est pas grave, rien n'est grave, tout est OK et juste. À toi de choisir et de décider à quel état tu préfères être identifié, c'est tout.
Les deux sont en toi et l'ont toujours été. Après, c'est une question de prise de conscience, de choix, et de fixer ton attention sur tel ou tel aspect de ton être.
Sois tu crois, sens et sais que tu es cette paix, cette joie, ce champ incroyable des possibles, tout point de vue, soit tu accordes plus d'importance à tes peurs et aux tergiversations du petit humain. Il t'appartient de choisir ce que tu veux vivre et de le créer en dirigeant ton attention vers ta cible.
Plusieurs minutes silencieuses s'écoulent. La voix reprit :
- Allons jusqu'au bout de cette vision, si tu le veux bien.
Plus tu observeras le petit humain dans ces moindres recoins, plus la lumière de ta conscience l'aidera à disloquer ce que tu croyais être toi. Tu seras moins freiné par tes peurs pour ce qui te tient à cœur, car tu te souviendras et intégreras plus profondément que tu es le tout. Que d’être rien, c'est laisser derrière l'identité égotique et retrouver notre véritable nature. Une nature apaisée et apaisante pour ses proches et son environnement par ce qui émane d'elle naturellement. C'est simple au fond. Est-ce plus clair maintenant ?
Un long silence suivit à nouveau, petit humain Teddy était en train de digérer, d'intégrer ces informations jusqu'au cœur de ses cellules.
Tout se réactivait en lui, son être, son essence, sa véritable nature.
Le rien qui est tout, le rien qui ouvre tout.
Il percevait soudain le champ des possibles, le rien qui est infini, abondance, joie, le rien qui est un et dont nous sommes tous une infime parcelle. Comme si nous étions tous issus d'un même et unique corps nommé conscience et que chacun de nous représentait un bout (un bout de cheveu, un bout de nez, d'oreille, d'ongle, etc).
Même cette image de corps ne peut être exacte pour la matrice "conscience", car elle la limiterait à la forme d'un corps.
Or, la conscience est sans forme et infinie, elle est rien et tout à la fois, elle est éternelle, vibration, elle est paix, joie, amour, abondance.
Teddy était comme projeté dans un autre plan de conscience.
La voix poursuivit :
- Qu'importe ton chemin d'exploration, qu'importe le résultat obtenu. Seule l'exploration de « Terrien, t'es rien ! » est intéressante. À toi d'expérimenter quelle identification, quelle croyance, rend ton chemin plus léger. Le nec le plus ultra ? Que « Petit humain » et « Terrien, t'es rien ! » cohabitent en toi joyeusement et
paisiblement, en donnant la barre à « Terrien, t'es rien ! » Cela rend la vie plus simple, plus belle. Oui, oui, tu verras !
Qu'importe le temps qu'il allait falloir à Teddy pour comprendre et incarner cela plus en profondeur. C'était en route. Cela se voyait, se sentait. C'était son chemin d'exploration, chacun a le sien.
Une dernière fois, tel un écho lointain :
- Terrien, t'es rien ! traversa à nouveau le sous-bois.
Puis la voix se tut et disparut à jamais. La forêt fut à nouveau plongée dans un profond silence.
À cet instant, le voile de brume se leva, la forêt s'éclaircit. Comme nous ne sommes séparés de rien ni de
personne, le brouillard mental de petit humain s'était, lui aussi, estompé comme par magie.
La magie de ces mots restera à tout jamais gravé en lui, et donc en toi puisque rien ne nous sépare.
« Terrien, t'es rien ! »
© Pascale SÉGURA
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/pascale-segura
Mots clés : sagesse, spiritualité, pleine, conscience, éveil
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